L'analyse de l'évolution du droit de la fonction publique applicable à l'administration, et ainsi aux agents de l'Etat, et du droit du travail applicable aux salariés marque un rapprochement, une certaine interaction de ces deux matières l'une sur l'autre. En effet, certains droits et avantages des salariés du privé comme le droit syndical ou encore le droit de grève ont été étendus à ceux de la fonction publique. Et puis, inversement, comme en témoigne par exemple le droit aux congés payés ainsi que le régime de maternité et de retraite dont bénéficient également aujourd'hui les salariés du privé. Cependant, il ne peut y avoir de confusion entre le droit de la fonction publique et le droit du travail. L'arrêt du Conseil d'Etat intitulé Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe et Moselle du 2 octobre 2002 rappelle ce phénomène d'interaction à l'égard des règles relatives au reclassement et au licenciement applicables aux salariés privés et transposables aux agents publics. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat, poussé par la nécessité de suppléer un législateur défaillant, tire la conséquence du constat de l'inaptitude professionnelle en érigeant en principe général du droit l'obligation pour l'employeur de reclasser l'agent faisant l'objet d'une inaptitude physique à exercer son activité et, en cas d'impossibilité de reclassement, de le licencier.
[...] PARTIE 2 / La reconnaissance contestable d'un nouveau principe général du droit Le Conseil d'Etat consacre un nouveau principe général du droit pour trancher l'affaire qui lui est soumise. Ce principe s'inscrit dans une nouvelle ligne jurisprudentielle : il ne s'agit plus de consacrer une règle générale, mais une règle spécialisée d'application plus modeste. Ce nouveau procédé est critiquable et met en lumière le problème du pouvoir créateur du Conseil d'Etat En fait, à la place de cette nouvelle consécration qui allonge la liste des principes généraux du droit et qui risque donc d'ébranler leur prestige, il était possible d'imaginer une autre solution. [...]
[...] En fait, le recours à la théorie des principes généraux du droit n'était peut être pas utile : un revirement de jurisprudence qui aurait déclaré le Code du travail applicable était parfaitement imaginable en l'occurrence. Et puis, cette solution aurait eu le mérite de régler la question du vide juridique une fois pour toute, et l'avantage de ne pas contribuer à l'inflation des principes généraux du droit qui risque de favoriser la discréditation de cette théorie. [...]
[...] Or, cette disposition paraît vague, floue, imprécise car elle rend possible, comme le montre l'espèce, qu'une Chambre de Commerce et d'Industrie laisse indéfiniment un de ses agent inapte au travail « dans cette sorte d'apesanteur juridique : ni effectivement à son poste, ni effectivement licencié » pour reprendre l'expression du commissaire du gouvernement. Cette situation explique la démarche à première vue invraisemblable de Mme F qui vise à ce qu'elle se fasse licencier. C'est précisément pour remédier à cet attentisme, cette absence d'initiative de l'employeur, qui ne reclasse pas et ne licencie pas non plus l'employé inapte physiquement tel que Mme F que le Conseil d'Etat consacre le principe général de droit au reclassement et, à défaut, au licenciement, des salariés lorsque leur inaptitude physique a été médicalement constaté. [...]
[...] En l'espèce il y a une lacune juridique : il n'y a pas de régime clair relatif au licenciement du personnel des Chambres de Commerce et d'Industrie pour inaptitude physique. Certes l'article 33 prévoit le licenciement pour inaptitude physique d'un de ses membres, et une procédure spéciale à savoir l'avis d'un comité médical, mais il n'organise pas de possibilité de reclassement et n'impose pas à l'employeur de procéder à cette demande d'avis, et ni au licenciement. Ainsi, et malgré l'opposition du commissaire du Gouvernement M. [...]
[...] L'arrêt du 2 octobre 2002 Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe et Moselle souligne le pouvoir créateur de droit du Conseil d'Etat, pouvoir qui n'est pas sans poser de problème. La doctrine critique beaucoup ce pouvoir de création de principes généraux du droit spécialisés. Pour stopper la consécration problématique de principes généraux du droit spécialisés, le Conseil d'Etat aurait pu envisager une autre solution qui aurait eu le mérite de ne pas allonger la déjà longue liste des principes généraux du droit Une autre solution envisageable : l'extension de l'application de certaines dispositions du code du travail aux agents publics Il est certain que le juge doit trancher. [...]
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