La souplesse de la Constitution de 1958 pour déterminer la compétence du premier ministre et du Président en matière de signature des décrets oblige le juge à interpréter les articles 13 et 21 en fonction des opportunités politiques. Dans l'arrêt de rejet, Meyet rendu le 10 septembre 2012 par l'assemblée du Conseil d'État, les juges effectuent un ultime revirement de jurisprudence en statuant sur la légalité de décrets portant sur les modalités d'organisation d'un référendum.
En l'espèce, le 6 août 1992, un décret relatif à la campagne en vue d'un référendum a été signé après délibération du conseil des ministres sans que cette délibération soit juridiquement nécessaire puisqu'elle n'était exigée par aucun texte. Le fait que le décret a été soumis à délibération a entrainé sa signature par le Président de la République.
Monsieur Mayet assigne l'État pour excès de pouvoir et demande l'annulation du décret au motif que la signature de ce décret est de la compétence du premier ministre et qu'en aucun cas le Président ne doit y apposer son seing sans quoi le décret est entaché d'incompétence. Le Conseil d'État est saisi en premier et dernier ressort par le requérant du fait qu'il doit statuer sur la légalité d'un décret.
[...] Donc le décret doit être signé par les ministres responsables pour être valide, c'est ce qu'a consacré le conseil d'État le 10 juin 1966 dans l'arrêt Pelon en indiquant que les ministres responsables sont ceux auxquels incombent, à titre principal, la préparation et l'application des actes en causes Donc en l'espèce, même si l'arrêt Meyet pose des limites aux décrets délibérés en Conseil des ministres, le Président garde toujours des pouvoirs considérables puisque en plus de pouvoir imposer l'ordre du jour il peut prendre des décrets pour les rendre valides a posteriori avec l'assentiment des juges. Ces dispositions au profit du chef de l'État peuvent laisser septiques quant à savoir si les évolutions de ces pouvoirs sont réellement dans l'esprit de la Constitution. B Risque d'un renforcement excessif des attributions présidentielles Si l'arrêt Meyet paraît plus rigide dans la mesure où il détermine la compétence du Président et du Premier ministre, il laisse cependant au Président un pouvoir considérable dans sa capacité à s'approprier les sujets qu'il désire. [...]
[...] Pour qu'un texte soit l'objet d'une délibération en Conseil des ministres deux voix sont possibles. En premier lieu, certains sont nécessairement soumis à délibération car un texte l'impose mais seules de rares disposition constitutionnelles (la proclamation de l'État de siège), législatives (décrets portant statut particulier de certains corps de fonctionnaires selon la loi su 11 janvier 1984) ou encore réglementaire (décret du 22 janvier 1959 prévoyant la délibération en Conseil des ministres des décrets fixant les attributions des ministres) prévoient la délibération d'un décret en Conseil des ministres. [...]
[...] Comme l'indique Dominique Pouyaud on pourrait concevoir un décret en Conseil des ministres prévoyant que désormais tous les décrets devront être délibérés en Conseil des ministres, vidant ainsi l'article 21 de sa substance Force est de constater l'ampleur que peut prendre cette pratique qui fige les pouvoirs du Premier ministre au profit de ceux du chef de l'État qui a la compétence de fixer sa propre compétence. Le juge administratif est en train de plier à la pratique mais pourtant, il semble qu'en cas de cohabitation, le conseil d'État ne pourra plus avoir une pareille interprétation de la Constitution pour coller à nouveau aux dispositions constitutionnelles. Enfin, il faut relativiser le propos en indiquant que malgré la liberté offerte au Président de la République, seuls cinq à six pourcents des décrets sont présentés en Conseil des ministres comme le précise Jacques Fournier. [...]
[...] Soit un décret est délibéré en Conseil des ministres et alors il peut être signé par le chef de l'État soit il ne l'est pas et alors le décret présidentiel est entaché d'irrecevabilité. A première vue, le partage de compétence est sans équivoque mais pourtant la pratique montre que le Président peut parfois s'octroyer un pouvoir réglementaire qu'il n'a pas en signant des décrets qui ne sont pas délibérés en Conseil des ministres avec le soutient du conseil d'État ce qui a pour conséquence de renforcer considérablement les pouvoirs du chef de l'État. [...]
[...] En effet, le Conseil d'État rappelle que le pouvoir réglementaire commet une illégalité s'il institue des infractions ou des peines qui relèvent du domaine législatif. En l'espèce, le décret fait mention de dispositions réprimées par le code électoral telles que la distribution de tracts électoraux par tout agent de l'autorité publique ou municipale, l'impression d'affiches électorales aux couleurs tricolores et l'entrée dans une assemblée électorale avec des armes apparentes Or comme le rappellent les juges, ces dispositions ne peuvent être appliquées que par décret du Conseil d'État. [...]
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