COMMENTAIRE, ARRET, Assemblée, Cayzeele, 10 juillet 1996
L'action administrative se manifeste par le recours à divers actes juridiques soumis à des régimes juridiques très différents, qui peuvent avoir le caractère d'acte administratif unilatéral ou de contrat. Ce dernier, le contrat, est défini à l'article 1101 du code civil comme la « convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à donner, faire, ou ne pas faire quelque chose ». Cette définition s'applique tout à fait au contrat administratif, et souligne toute la différence qu'il existe entre le contrat administratif et l'acte administratif unilatéral. En effet, l'acte administratif unilatéral, lui, est un acte juridique adopté unilatéralement par une autorité administrative, qui concerne l'ordonnancement juridique et qui affecte les droits et obligations des tiers sans leur consentement. Ainsi, alors que le premier est un accord de volonté générateur d'effets juridiques, le second s'impose à ses destinataires sans leur consentement. La distinction est donc, d'un prime abord, aisée. Toutefois, les textes et la pratique entraînent parfois des difficultés. En effet, le pouvoir de décision unilatérale est étroitement lié au contrat administratif, et ce, à tous ses stades de vie. Dès la conclusion de ce dernier, car les décisions de signer le contrat, c'est-à-dire les actes détachables, sont toujours des actes administratifs unilatéraux. Mais aussi au stade de l'exécution du contrat, puisque, par exemple, la décision de modification unilatérale du contrat prise par la personne publique contractante fait partie de cette catégorie d'acte. Toute la difficulté résulte du fait que l'acte unilatéral ne reste pas toujours à la périphérie du contrat ; parfois, il s'immisce dans ses clauses. Dans ces cas, la doctrine et la jurisprudence utilisent les expressions « clause réglementaire », ou encore « disposition réglementaire » pour souligner leur rapprochement des actes administratifs unilatéraux qui procède du fait que les clauses en question produisent des effets envers des tiers : elles n'obligent pas seulement les parties au contrat. Cette qualification de clause réglementaire n'est pas toujours aisée, mais elle est essentielle, car une telle clause obéit à un régime particulier, qui reprend des éléments du régime des actes unilatéraux et des principes de celui des contrats administratifs. Son régime juridique a été affiné par un arrêt fondamental de l'Assemblée du Conseil d'Etat daté du 10 juillet 1996 dit Cayzeele.
[...] L'irrecevabilité de principe du recours en excès de pouvoir dirigé contre les clauses d'un contrat par un tiers a été remise en cause par l'arrêt d'Assemblée Cayzeele étudié ici. Le Conseil d'Etat met en place une atténuation importante du principe d'irrecevabilité qui dominait jusqu'alors les actions dirigées par un tiers contre un contrat administratif. Il fonde cette solution sur les effets de la clause litigieuse frappée d'un recours pour excès de pouvoir. En effet, il admet que certaines clauses d'un contrat, bien que formellement contractuelles puisqu'elles résultent de la rencontre des volontés des contractants, créent des droits et des obligations envers les tiers, et qu'elles s'apparentent alors à des dispositions imposées unilatéralement par l'autorité administrative. [...]
[...] Son régime juridique a été affiné par un arrêt fondamental de l'Assemblée du Conseil d'Etat daté du 10 juillet 1996 dit Cayzeele. En l'espèce, dans l'arrêt Cayzeele, le syndicat intercommunal à vocation multiple du canton de Boëge conclut un contrat avec la société Chablais-service propreté le 1er janvier 1986 ayant pour objet la collecte et l'évacuation des ordures ménagères sur le territoire du canton de Boëge. L'alinéa 2 de l'article 7 de ce contrat impose aux particuliers de mettre leurs ordures dans des sacs plastiques hermétiquement fermés, et aux collectivités, colonies et restaurants de faire l'acquisition de containers en rapport avec leur volume de déchets. [...]
[...] Le Conseil d'Etat articule son raisonnement en deux temps. D'abord, il s'attache à vérifier s'il existe un texte juridique qui interdit d'imposer aux collectivités de faire l'acquisition de containers. Il s'agit pour lui de vérifier que la disposition juridique contestée, la clause litigeuse, ne porte pas atteinte à une norme juridique qui lui est supérieure dans la hiérarchie des normes. Il relève que ce n'est pas le cas. Ensuite, il examine le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité qui est avancé par Monsieur X. [...]
[...] C'est cette différence de situation qui est utilisée pour justifier la différence de traitement, et ainsi constater le bien-fondé desdites clauses qui ne méconnaissaient nullement le principe d'égalité des usagers en imposant à ceux produisant le plus de déchets ménagers des obligations plus contraignantes. L'annulation d'une clause réglementaire illégale peut avoir de lourdes conséquences et remettre en cause la sécurité des opérations contractuelles. En effet, l'annulation vaut aussi bien entre les parties et les tiers qu'entre les parties elles-mêmes. Elle est donc susceptible de bouleverser l'économie générale du contrat lorsque sont en cause des dispositions indissociables de l'objet du contrat, et remettre en cause l'ensemble l'opération contractuelle. [...]
[...] Cette décision s'inscrit parfaitement dans la jurisprudence contemporaine du Conseil d'Etat, qui se veut toujours plus protectrice des intérêts des administrés. Les juges du Palais Royal appliquent cette théorie au deuxième alinéa de l'article 7 du contrat conclu par le syndicat intercommunal et la société Chablais service propreté : ils admettent alors la recevabilité de la requête de Monsieur X. Le 10 juillet 1996, le principe reste celui selon lequel les tiers à un contrat ne peuvent pas s'attaquer à la légalité des clauses de ce contrat, mais le juge administratif admet une exception lorsqu'il s'agit de clauses qui imposent aux tiers des sujétions, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de clause réglementaire. [...]
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