Cour européenne, impartialité, indépendance, cumul des fonctions, conseil d'Etat, article 6
D'après Sylvain Hul, « la question du respect du principe d'impartialité par le juge administratif est souvent une affaire de conscience et de circonstance ». Ainsi, au regard de cette citation, l'impartialité du juge administratif ne pourrait se contrôler qu'au cas par cas en fonction des circonstances du litige. C'est un point de vue que semble partager la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans l'arrêt Union fédérale des consommateurs "Que choisir" de Côte-d'Or du 30 juin 2009.
En l'espèce, la section des travaux publics du Conseil d'Etat a rendu un avis sur un décret ministériel du 25 janvier 2002. En 2003, l'association Union fédérale des consommateurs (UFC) « Que choisir » saisi le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre ce même décret et voir ses requêtes rejetées. L'association saisie alors la Cour européenne des droits de l'Homme pour violation de l'article 6§1 de la Convention relatif notamment au droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial. En effet, cette dernière dénonce tout d'abord le défaut d'indépendance du Conseil d'Etat en ce qu'il relève du chef du gouvernement et qu'il a donc été juge et partie dans l'examen de la requête vise à annuler un décret ministériel et en ce qu'il était co-auteur du décret litigieux vu que ce dernier a été pris suite à son avis. L'association requérante dénonce aussi l'absence d'impartialité structurelle de la Haute juridiction, notamment en raison du cumul de fonction juridictionnelle et administrative qui peut conduire des membres de la juridiction à examiner la légalité d'un acte sur lequel ils ont déjà rendu un avis. L'Etat français, en s'appuyant sur la jurisprudence antérieure de la Cour européenne des droits de l'Homme a rétorqué que le dualisme fonctionnel du Conseil d'Etat n'était pas une violation en soi de l'article 6§1. De plus, en l'espèce, aucun membre de la section des travaux publics n'a été membre de la formation de jugement et le déport en séance de jugements a toujours été systématique au sein de la Haute juridiction administrative. Enfin, à titre subsidiaire, l'Etat ajoute que les questions soumises aux deux sections ne se recouvraient pas.
L'organisation structurelle, notamment le cumul des fonctions consultatives et juridictionnelles, du Conseil d'Etat français est-il contraire aux exigences d'indépendance et d'impartialité consacrées par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ?
La Cour européenne s'est basée sur sa jurisprudence antérieure pour répondre que le fait que le Conseil d'Etat soit organiquement proche de l'exécutif ne suffisait pas à établir le manque d'indépendance. De plus, en l'espèce, la juridiction européenne a constaté l'absence de membre de la formation administrative dans la formation de jugement, ainsi, elle considère que les craintes de l'association sur la dépendance et la partialité de la Haute juridiction ne sont pas justifiées, et ce sans qu'elle ait besoin d'examiner si les deux formations se sont prononcées sur la « même affaire ». La Cour a donc déclaré qu'il n'y avait pas violation de la Convention, la requête est irrecevable.
La Cour européenne des droits de l'Homme va tout d'abord déterminer si la juridiction en cause possède l'indépendance et l'impartialité structurelle requise dans les circonstances de l'espèce (I) en s'appuyant sur le principe d'identité des personnes et des questions juridiques posées (II).
[...] L'Etat français, en s'appuyant sur la jurisprudence antérieure de la Cour européenne des droits de l'Homme a rétorqué que le dualisme fonctionnel du Conseil d'Etat n'était pas une violation en soi de l'article 6§1. De plus, en l'espèce, aucun membre de la section des travaux publics n'a été membre de la formation de jugement et le déport en séance de jugements a toujours été systématique au sein de la Haute juridiction administrative. Enfin, à titre subsidiaire, l'Etat ajoute que les questions soumises aux deux sections ne se recouvraient pas. [...]
[...] C'est un point de vue que semble partager la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans l'arrêt Union fédérale des consommateurs choisir” de Côte-d'Or du 30 juin 2009. En l'espèce, la section des travaux publics du Conseil d'Etat a rendu un avis sur un décret ministériel du 25 janvier 2002. En 2003, l'association Union fédérale des consommateurs (UFC) Que choisir saisi le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre ce même décret et voir ses requêtes rejetées. L'association saisie alors la Cour européenne des droits de l'Homme pour violation de l'article de la Convention relatif notamment au droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial. [...]
[...] L'exercice successif d'une mission administrative et d'une mission juridictionnelle sur un même texte entraine une confusion des fonctions du Conseil d'Etat. Cependant, dans l'arrêt UFC Que Choisir la Cour européenne a pu vérifier qu'aucun des membres de la section du contentieux n'avait eu à donner un avis sur le décret litigieux dans le cadre de fonctions administratives. En France, cette absence d'exercice successif est aussi garanti par la pratique du déport en séance de jugement dorénavant codifié au Code de justice administratif, pratique que l'Etat a rappelé dans ses arguments de défense. [...]
[...] Elle reprend ensuite les critères dégagés dans l'arrêt Campbell & Fell du 28 juin 1984, tels que les modalités de nomination des membres ainsi que le déroulement de leur carrière et les garanties contre les pressions extérieures. La Cour juge donc que les modalités de nomination et de déroulement de carrière des membres du Conseil d'Etat sont parfaitement compatibles avec les exigences de l'article et suffisent à garantir son indépendance structurelle vis à vis du pouvoir exécutif. Ainsi, l'organisation structurelle de la Haute juridiction ne suffit pas à mettre en cause son indépendance, de même, pour déterminer si le cumul des fonctions administratives et juridictionnelles est un manquement à l'article la Cour se doit d'exercer un contrôle in concreto. [...]
[...] Ce raisonnement avait déjà été consacré par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, du 6 juillet 1994, dans lequel il avait considéré que seules des formations identiques pouvaient affecter l'impartialité. Une des innovations de cet arrêt par rapport à la jurisprudence antérieure, et notamment la décision Sacilor-Lormines, c'est que la Cour européenne des droits de l'Homme se contente de l'absence d'identité entre les membres pour rejeter la requête de l'association requérante sans examiner s'il ya eu identité entre les questions soumises aux deux formations du Conseil d'Etat. [...]
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