Arrêt du 23 décembre 2011, Danthony, vices de formalité, vice de procédure, droit administratif
« Un instrument ne vaut que par le but qu'il permet d'atteindre. » Cette sentence du professeur Prosper Weil pourrait être érigée en véritable principe du droit administratif. En effet, elle rappelle que le dogmatisme, l'application irraisonnée et rigide des règles posées, ne servent jamais le but qui leur avait été pourtant donné. Une procédure n'est là que dans une finalité et si un acte vicié n'entraîne pas pour autant d'atteinte alors où y-a-t-il véritable nécessité à l'annuler ? Sanctionner un tel vice relève du dogmatisme et n'a que pour conséquences que de freiner la marche de l'Administration. L'arrêt sous commentaire l'illustre en posant de nouvelles règles en matière de vice de procédure.
En l'espèce, deux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ont fait des demandes de regroupement au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche comme le leur autorise l'article L. 711-1 du code de l'éducation. Ces demandes alors qu'elle aurait dû être l'objet de deux demandes formulées par chacun des conseils d'administration des établissements statuant séparément, ont été prises au cours d'une réunion commune. De plus, alors qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 12 du décret du 28 mai 1982, ces demandes auraient dû être précédées d'un avis du comité technique paritaire attaché à chacun des établissements, ce n'est que postérieurement que ces comités ont été consultés sur le projet de fusion. Accédant aux demandes, le ministère de l'enseignement supérieur et de la charge a pris un décret procédant à la fusion des deux établissements et organisant le regroupement.
[...] Pourtant cette solution semble assez paradoxale. En effet, le projet de fusion, au vue des faits, était poussé et partagé par les deux établissements et ces vices de procédure relèvent plus certainement à la maladresse, à l'intention de bien faire qui en devient maladroit qu'à la véritable illégalité. Il est donc surprenant pour le Conseil d'Etat de retenir donc ici l'illégalité. Cette solution n'est pas sans jeter un doute sur la pertinence de ce nouveau principe, de cette nouvelle grille d'analyse qui à son tour ne semble pas totalement satisfaisante. [...]
[...] Le vice de procédure, comme le définit le rapporteur public, consiste dans l'omission ou dans l'accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auxquelles un acte administratif étaient assujetties. Depuis longtemps, le Conseil d'Etat reconnaît le vice de procédure comme un moyen emportant l'annulation d'un acte. Mais pour autant, loin de faire preuve de dogmatisme, il a tâché de ne pas imposer une annulation automatique des actes frappés d'un vice de formalité, tâchant ainsi de ne sanctionner l'administration que dès lors que le vice de l'acte était substantiel. [...]
[...] Ainsi, par une loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, en son article 70 avait posé le principe selon lequel : «Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seuls les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoqués à l'encontre de la décision L'article visait donc un cas plus particulier, celui de l'espèce, celui des formalités de consultation. Mais c'est bien un principe qu'il porte et c'est de cela que le Conseil d'Etat va partir, l'élargissant simplement, pour renouveler sa grille d'analyse des vices de procédure. [...]
[...] Paradoxe pour un juge qui se veut non formaliste que de se voir adresser un reproche de formalisme. Il fallait un renouvellement de la grille d'analyse utilisé par le Conseil d'Etat. En effet, précédemment, le critère utilisé était celui de la substantialité du vice. Ainsi, un vice de procédure n'entraînait jusqu'alors l'annulation de la décision que dans l'hypothèse où il s'avérait substantiel. Or ce critère n'était pas sans ambiguïté, encore fallait-il au juge d'identifier ce qu'était un vice substantiel, ce qui n'a pas manqué d'entraîner une discordance des solutions. [...]
[...] En l'espèce, toutes conditions exceptionnelles sont réunies. En effet, la fusion a déjà été commencée et les problèmes qu'une annulation stricte provoquerait sont tels que certainement comme l'envisage le rapporteur public dans son rapport, il faudrait l'intervention du législateur via une loi de validation pour régler les problèmes ainsi ouverts. Le Conseil d'Etat après avoir rappelé le principe dégagé par sa jurisprudence avec l'arrêt Association AC l'applique ensuite, optant pour une annulation effective qu'à compter d'une date ultérieure. Il a donc procédé à un choix, mettant en balance les solutions à chaque fois et tâchant de trancher pour ce qui lui semble être le plus juste, des choix qui ne sont pas sans souligner l'intelligence de son procédé. [...]
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