droit administratif des biens, insaissabilités, domaine public, préfet, loi du 16 juillet 1980
Ainsi, le Conseil d'Etat introduit un nouvel instrument à la disposition du préfet, à savoir la cession forcée des biens d'une collectivité territoriale, et ce dans le souci de la bonne exécution des décisions de justice passées en force de chose jugée. Si cette idée n'est pas nouvelle, on peut en effet citer un rapport de la Cour des comptes datant de 2002 dans lequel était évoquée la cession d'actifs pour procurer aux collectivités territoriales les ressources nécessaires, elle semble porter une sérieuse atteinte au principe d'insaisissabilité des biens publics, principe irriguant le régime des propriétés publiques. En effet, si la cession forcée ne constitue pas une saisie en tant que telle, les effets de ces deux actions sont très similaires, la personne publique perd le pouvoir de libre administration de ses biens, et ce même s'il n'est pas question d'une voie d'exécution de droit privé, mais d'une voie d'exécution administrative de telle sorte qu'au fond, c'est bien d'un affaiblissement du principe d'insaisissabilité dont il est question. Pour autant si la portée de ce principe est atténuée, peut-on véritablement parler d'exception, et ce d'autant plus que le code général des propriétés publiques, on l'a vu, a consacré ce principe en son sein.
Cet arrêt constitue-t-il une véritable exception à l'application du principe d'insaisissabilité des biens publics ?
[...] S'ajoute à cet argument l'absence de cette hypothèse dans les travaux préparatoires du texte de loi Une hypothèse absente des travaux préparatoires En effet les travaux parlementaires prévoyaient la possibilité pour le préfet d'augmenter l'imposition locale afin de créer les ressources nécessaires, ce qu'il fit d'ailleurs dans notre, mais jamais il n'a été question de vente forcée des biens d'une personne publique. De cette manière le conseil d'Etat ne se fonde ni sur le corps du texte, ni sur les travaux préparatoires pour aboutir à une telle décision. [...]
[...] Enfin, un délai de deux mois doit s'écouler entre la décision de justice condamnant ces personnes publiques, pendant lequel ces dernières n'auront pas procéder au paiement de leurs obligations. Or ces trois conditions semblent être remplies en l'espèce L'application de ces conditions à l'espèce En effet, la décision du tribunal administratif de Bastia, condamnant la commune est définitive, autrement dit passée en force de chose jugée. Ensuite, c'est bien une collectivité territoriale qui fait l'objet de cette condamnation puisqu'il est question d'une commune. [...]
[...] Néanmoins, la particularité de la situation rendait impossible cette application . contredite par un intérêt supérieur : l'exécution des décisions de justice En effet, n'oublions pas que les sommes dues aux deux sociétés par la commune sont le fruit d'une décision de justice passée en force de chose jugée du tribunal administratif de Bastia, en ce qu'il condamne la commune au paiement de dommages et intérêts aux requérants pour le préjudice subi par la résiliation des concessions du port de plaisance. [...]
[...] Ainsi, le conseil d'Etat se fonde sur la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, par une interprétation large pour introduire la possibilité à l'égard des préfets de la cession forcée des biens d'une personne publique, et donc porter atteinte au principe d'insaisissabilité On pourra alors citer à ce propos Philippe Yolka disant que la pyramide (de Kelsen) est toujours debout mais elle marche quelque fois sur la tête, comme si la norme jurisprudentielle effaçait la norme législative Une entorse au principe d'insaisissabilité rendue possible au moyen de la loi du 16 juillet 1980 En effet, c'est par une large interprétation de la loi du 16 juillet 1980 qui ne faisait d'ailleurs pas mention précisément du mécanisme de cession forcée des biens publics par le préfet que le conseil d'Etat a pu arriver à une telle décision Pour autant cette application de cette loi est loin de faire l'unanimité Une large interprétation de la loi C'est donc en prenant comme support la loi du 16 juillet 1980 que le conseil d'Etat a pu accueillir la demande des requérants Aussi, ce dispositif n'illustre pas une idée nouvelle et semble s'inscrire dans la continuité de la pensée de la cour suprême administrative La reconnaissance de la saisie des biens de la commune par le préfet La loi du 16 juillet 1980 disposait que le représentant de l'Etat en cas d'insuffisance de crédits de la collectivité territoriale ou de l'établissement public leur adresse une mise en demeure de créer les ressources nécessaires. Si ces ressources n'ont pas été dégagées les termes de la loi prévoyaient que c'était à l'autorité déconcentrée d'y pourvoir. [...]
[...] Pour conclure, on aura démontré que cet arrêt constitue une entorse au principe pourtant fondamental d'insaisissabilité des biens publics, tout en la relativisant du fait des nombreuses limites non négligeables qui lui sont assorties. Cet arrêt soulève néanmoins une question importante. Si le conseil d'Etat s'est fondé sur la loi du 16 juillet 1980, dont le champ d'application s'étend aux établissements publics et donc aux établissements publics industriels et commerciaux, ce qui les aiderait ainsi de trouver plus facilement des financements venant des personnes privées. [...]
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