France Télécom présente en apparence tous les signes d'une privatisation réussie : une situation d'oligopole sur le marché des télécommunications, une majorité de salariés bénéficiant du statut de la fonction publique impliquant sécurité de l'emploi et revenu garanti, une participation des salariés aux bénéfices (92% des salariés sont actionnaires de l'entreprise), des syndicats bien implantés…
A l'aune de ces éléments, la question du stress chez les salariés de France Télécom paraît ne pas devoir se poser. Or, les 25 suicides et les 15 tentatives de suicide de salariés depuis le début de l'année 2008 montrent qu'il existe, au-delà des apparences, un profond malaise au sein de l'entreprise.
L'observatoire du stress et des mobilités forcées chez France Telecom créé en 2007, à l'initiative des syndicats CGT et CFE-CGC et composé de médecins, psychologues, ergonomes, sociologues et délégués syndicaux, a mis en exergue l'ampleur du malaise et du désarroi des salariés, à travers l'enquête menée durant l'été 2007. Ainsi, selon cette enquête, 2 salariés sur 3 se déclarent stressés (dont 15% se disent en situation de détresse) et 93% estiment que le travail ne cesse de se dégrader. 1 salarié sur 2, y compris chez les plus jeunes, souhaite quitter France Telecom. Enfin, 70% ont le sentiment de ne pas avoir réussi leur vie professionnelle.
France Télécom n'est cependant pas un cas isolé. D'autres grandes entreprises sont également touchées par le problème de la souffrance au travail (IBM, Renault, Peugeot, EDF) de sorte que la question stress au travail dépasse largement le strict cas de France Télécom et apparaît de plus en plus comme un problème majeur de santé publique. En France, on compte ainsi entre 11 000 et 12 000 suicides par an dont 300 à 400 seraient liés aux conditions de travail.
[...] Malgré les engagements pris lors de la campagne électorale en 1997 France Télécom est la seule entreprise que nous renationaliserons déclare Lionel Jospin), une fois arrivée au pouvoir, la Gauche met en oeuvre l'ouverture du capital du capital de l'entreprise est ouvert en deux ans). En 2001, l'Etat ne contrôle plus que 55,5% du capital de l'entreprise. La réforme de l'entreprise provoque de grands mouvements sociaux au sein de l'entreprise, en 1993, en 1995 et 1996 et conduit à la conclusion d'un accord entre le syndicat FO et la direction qui permet d'assurer aux fonctionnaires de l'entreprise des agents à l'époque) de conserver leur statut. [...]
[...] Le pouvoir d'agir j'entends par là le sentiment qu'on vit la même histoire, qu'on laisse son empreinte quelque part, qu'on dépose hors de soi quelque chose qui n'est pas seulement de sa propre histoire est amputé par l'organisation du travail et les stratégies économico-financières explique Yves Clot, psychologue du travail. Trouver un terrain d'entente entre le point de vue des salariés et les contraintes de gestion de la direction, telle est sans doute, pour l'auteur, la voie raisonnable à suivre. Il faut donc créer des espaces pour que ce débat puisse prendre forme. Repenser la façon de travailler actuelle chez France Télécom apparaît une nécessité pour soigner la souffrance du salarié. Elle l'est aussi pour l'usager qui est également le perdant de cette organisation du travail. [...]
[...] Sans que cela soit reconnu, quand ce n'est pas tout simplement nié, par leurs supérieurs hiérarchiques . L'organisation du travail Un travail rationaliste à l'extrême Le front office (travail dans les plates-formes d'appels) est fortement encouragé par la direction au niveau national. Il est proposé quand il n'est pas imposé aux salariés du back-office (métiers qui ne sont pas en contact direct avec le client comptabilité, entretien du réseau Les centres d'appels sont devenus la priorité de l'entreprise et l'organisation du travail qui y prévaut, emblématique de la nouvelle logique à l'œuvre dans la politique managériale du groupe où la rentabilité devient le seul indicateur d'efficacité. [...]
[...] Le sociologue Dominique Crinon résume l'essence de cette politique : Ces cinq piliers visent à faire du management par l'incertitude l'épine dorsale d'une organisation Cette politique de management s'applique à tous les salariés. La finalité de cette politique est la diminution des effectifs à travers les dispositifs de mobilité lesquels remplacent de façon avantageuse la mise en œuvre d'un coûteux plan social, de toute façon impossible à réaliser avec des fonctionnaires. Le statut a priori protecteur des fonctionnaires se retourne même en réalité contre eux : Le statut même du personnel, qui l'empêche d'être victime d'un licenciement collectif, a entraîné la direction dans une véritable politique de harcèlement institutionnel pour pousser, coûte que coûte, les salariés vers la sortie Ces dispositifs constitueraient ainsi une sorte de plan social déguisé. [...]
[...] Le surendettement (1997-2003) Une stratégie commerciale tournée vers l'international A l'aube de l'année 2000, il reste encore 95% du marché des téléphones portables à conquérir. La privatisation partielle de l'entreprise est alors conçue comme le moyen de moderniser l'entreprise et de la doter d'armes similaires à celles de ces autres concurrents en bénéficiant des capacités financières qu'offre une cotation boursière. Mais, relève l'auteur, À partir moment où l'on ouvre le monopôle à la concurrence, France Télécom ne peut que perdre des parts de marché sur la téléphonie fixe ou mobile. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture