De juin 2000 à mars 2006, Dorothée Ramaut, médecin du travail, relate la vie d'une grande surface. Elle décrit les souffrances subies par les salariés, à qui l'on demande de donner toujours plus, jusqu'à l'épuisement. Le but est de les pousser à la démission (en réalité à la maladie). Le docteur Ramaut juge ces méthodes «contraires aux droits de l'homme». Elle est le premier médecin du travail à « rompre la loi du silence ».
Dans son journal, Dorothée Ramaut dénonce le harcèlement moral qu'elle considère comme un harcèlement « stratégique et systématisé ».
Au départ, elle pense que les victimes de harcèlement moral ne peuvent être situées qu'en bas de l'échelle, que ce ne peut être que des « salariés précaires », prêt à tout pour obtenir un Contrat à Durée Indéterminée. Mais elle change de point de vue en voyant défiler des chefs.
Elle classe alors ces victimes qu'elle voit en deux catégories: d'un côté, les jeunes gens qui n'arrivent pas à faire ce qu'on leur demande, qui n'arrive pas à tenir les objectifs. Elle leur conseille alors, quand ils n'ont que peu d'ancienneté, de démissionner. De l'autre côté, il y a les chefs, ceux qu'elle pensait « imperméables ».
[...] Le rôle de ces médecins est d'écouter les victimes de les diriger vers d'autres personnes. Le problème qui se pose est que les salariés viennent se plaindre, mais les médecins du travail n'ont qu'une version: celle du salarié. Mais ils ne connaissent pas la version de l'employeur. Alors qui croire? Quand les médecins demandent alors aux salariés s'ils veulent qu'il aille voir l'employeur, les salariés ne veulent pas, car il n'y a pas d'anonymat. Ils disent avoir peur. Ils ne veulent pas que le médecin débarque dans l'entreprise et fasse une enquête, de peur que l'on sache que cette enquête est faite à leur demande. [...]
[...] C'est dur pour les médecins du travail de dénoncer, car l'entreprise incriminée peut rompre le contrat avec l'employeur. Mais elle persiste, cherche des solutions. En 2003, le directeur de l'établissement est licencié, et les deux chefs harceleurs et le Directeur des Ressources Humaines sont mutés. Le nouveau directeur est mieux. Peut-être enfin un espoir pour elle. Avec lui, le dialogue est possible, mais il ne sert à rien. Son espoir retombe, jusqu'au jour où, en décembre 2004, après une crise, un employé du libre service qui a été insulté, pète les plombs Elle le met en inaptitude temporaire, et lui conseille d'appeler l'inspection du travail. [...]
[...] En voyant Mathieu, elle conseille au directeur des relations humaines de constater sa décision, afin que le médecin inspecteur régional du travail et l'inspection du travail soient alertés. Mais cela ne servira à rien. Pour le docteur Ramaut, il faut aider ces victimes. Mais les directeurs refusent de voir : chez moi, cela ne peut pas se passer comme cela, le harcèlement n'existe pas Le problème est de réussir à faire entendre à ces directeurs cette souffrance qui est réelle et se déroule dans leur entreprise. Certaines victimes osent porter plainte. [...]
[...] Les médecins du travail avaient pour habitude de mettre en inaptitude professionnelle les salariés victimes de harcèlement moral, afin de les protéger. Mais beaucoup trop de salariés ont profité de ce système; et il y a eu en quelques années une prolifération de cas de harcèlement moral au travail. Les médecins du travail doivent pouvoir reconnaitre les vraies victimes de harcèlement moral; c'est pourquoi il existe des comportements types qui permettent de reconnaître le harcèlement, comme les propos camouflés de la part du harceleur, le refus du harceleur de communiquer avec la victime, le discours partiel ou mensonger, le refus de formation professionnelle, le refus de soutien professionnel, la compétence mise en doute, le manque de respect, le harcèlement administratif, le contrôle excessif, les menaces, l'intimidation ou encore l'exclusion. [...]
[...] Mais quel peut donc être le rôle des médecins du travail ? Comment peuvent- ils aider les victimes ? Les médecins n'ont qu'une solution: conseiller à ces salariés de consulter un syndicat, de porter plainte de prendre contact auprès des prud'hommes qui leur donneront une démarche à suivre, de s'adresser à des organismes, des associations, ou alors à des syndicats extérieurs à l'entreprise. Pour le docteur l'arrêt de longue durée n'est pas la solution. Car plus l'arrêt est long, et plus la situation du salarié empirera à son retour dans l'entreprise. [...]
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