Le modèle wébérien de la bureaucratie a donné naissance à la théorie positive de l'organisation administrative. Ce modèle était fondé sur une conception mécaniste du comportement humain et assignait une finalité fonctionnelle à l'organisation. L'administration était, de fait, considérée comme un corps spécialisé, structuré par une hiérarchisation rigoureuse et régulée par des lois impersonnelles et fixes. De plus, elle était supposée neutre et avait un champ d'action limité à son domaine de compétence. Ce principe d'organisation rationnelle de l'administration s'est avéré être un principe démocratique par excellence, de par la division et la délégation qu'il impliquait, et a fortement contribué au processus de modernisation politique. Dans le schéma wébérien la rationalité qui encadre les actions des individus est linéaire, claire. Elle se veut un instrument efficace de contrôle, de surveillance et de performance. D'aucuns l'ont qualifié d'instrumentale. La rationalité instrumentale est une rationalité séquentielle et spécifiquement finalisée. Cependant, l'évolution de l'administration, caractérisée notamment par l'intensification et la complexification de ses tâches, et aussi, l'accroissement de ses interactions avec le corps politique, permettent de remettre en cause le modèle wébérien. En effet, bien que le principe de division formelle demeure, l'administration ne peut plus être considérée comme un outil d'exécution du pouvoir politique. Elle a développé des marges d'autonomie et d'initiative qui réduisent sa dépendance vis-à-vis du politique, inversant même, dans une certaine mesure, les rapports de force et de domination consacrés. La rationalité linéaire et claire qui régulait les rapports organisationnels devient floue. En raison de la croissance des zones d'incertitude, elle passe, d'optimale et instrumentale, à une rationalité limitée. Le contrôle s'en trouve, de facto, atténué et limité. Peut-on, toutefois, s'arrêter, à ce schéma explicatif, dynamique dans son développement et clos dans son aboutissement, pour comprendre l'organisation administrative aujourd'hui ? Peut-on considérer le postulat de rationalité limitée et son indubitable effet, la restriction du contrôle, comme les pistes de lecture les plus pertinentes des mondes politique et administratif et de leurs rapports ?
[...] Les principes de la rationalité limitée On peut reprendre à notre compte, pour l'exposé de ces principes, l'énumération entreprise par Jones (Jones, 2003) qui présente l'avantage d'être assez complète. Pour Jones la rationalité limitée repose sur quatre piliers principaux : le principe de rationalité intentionnelle, le principe d'adaptation, le principe d'incertitude et le principe de substitution ou contrebalance (Trade-off). Le principe de rationalité intentionnelle Ce principe repose sur l'idée que les gens sont déterminés par des buts mais ne réussissent pas toujours à les réaliser à cause des interactions entre des aspects de leur structure cognitive et les complexités de leur environnement. [...]
[...] “Rational Choice and Dysfunctional Institutions”, Governance, Vol No pp. 535-547. Max Weber (1995). Économie et société, T2, Plon. Guy Rocher (1968). L'organisation sociale, Éd. HMH. Weber, lui même, a dénommé cette forme d'organisation légale- rationnelle. V. [...]
[...] Elle développerait alors des procédures routinières et formalisées, pour faire face à l'incertitude. La rationalité limitée des acteurs aurait alors pour effet final le renforcement du contrôle. En conclusion, on peut noter que la théorie de la rationalité limitée, bien qu'elle présente de séduisantes pistes de lecture et de compréhension des organisations publiques, n'en constitue cependant pas la plus autorisée. Une analyse plus juste se doit de prendre en compte le niveau de maîtrise des buts, de l'incertitude, la réaction du système ou de l'organisation. [...]
[...] M. Weber (1995). Économie et société, tome1, Éd. PLON, pp. 290-294. Ce fait peut être considéré comme un effet indirect ou “pervers” comme dirait Merton (Rocher, 1968) de la spécialisation de l'administration. L'exposition et la démonstration de notre hypothèse s'apprécieront dans le rapport dialectique développé dans le travail dont la rationalité limitée et ses implications constitue la première prémisse ou la majeure. [...]
[...] Il devient, à partir de là, peu fondé de parler de rationalité limitée pour tous les acteurs. Dans cet ordre d'idée, on pourrait accorder quelque crédit à la théorie de Miller selon laquelle des acteurs pleinement rationnels choisiraient des institutions dysfonctionnelles et des situations d'incertitude dans le but d'assurer leurs intérêts. On pourrait parler alors d'instrumentalisation de l'incertitude. Cette thèse repose sur une approche compréhensive de la rationalité des individus qui agissent en fonction des effets subjectifs d'une situation 2000). [...]
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