Poids des stéréotypes, discrimination statistique, ressources humaines, évaluation et développement en contexte professionnel, développement des personnes, discrimination à l'embauche
Une récente enquête de l'IFOP (2013) a réintroduit la question de la discrimination à l'embauche au cœur de l'actualité. Les résultats ont ainsi montré un nombre conséquent (30%) de personnes affirmant avoir été victime d'une discrimination dans le cadre de leur travail. Parmi les critères perçus par les salariés comme étant les plus discriminant figurent notamment le sexe, l'âge et l'origine ethnique. Ce phénomène correspond à un des biais les plus importants dans l'évaluation et le développement des personnes. Un processus social permet d'expliquer en partie le comportement discriminatoire de l'employeur : la discrimination statistique.
L'ampleur du phénomène est encore sous-estimée aujourd'hui (Baumle & Fossett, 2005).
Dans les processus sous-jacents à ce concept, des minorités très compétentes sont rejetées pour des emplois dans lesquels elles auraient été très productives. De même, la discrimination positive envers les Blancs et les hommes va permettre à un bon nombre de travailleurs instables, peu instruits, ou autrement inappropriés d'accéder à un emploi (Tomaskovic-Devey & Skaggs, 1999).
[...] L'objectif de l'étude de Tomaskovic-Devey et Skaggs (1999) est donc de mettre à l'épreuve ces deux approches au moyen de données récoltées auprès de 306 entreprises californiennes sur leur productivité totale, leurs coûts de main d'œuvre, et leur composition en termes d'origine ethnique et de genre. Les résultats obtenus à partir de régressions montrent que ni le genre ni l'origine ethnique des employés ne sont associés à la productivité. Cet article ne confirme donc pas l'hypothèse de l'approche économique de la discrimination statistique. Les auteurs ne réfutent cependant pas l'existence de perceptions de ces différences mais supposent, en accord avec l'approche sociologique, que ces perceptions reposent sur des erreurs d'interprétation, qui peuvent induire elles-mêmes des croyances et des stéréotypes vis-à-vis des groupes. [...]
[...] L'approche sociologique est en effet soutenue par de nombreuses données de la littérature. Ainsi, concernant la discrimination statistique à l'encontre des femmes, Tam et Quillian (1993), cités par Tomaskovic-Devey et Skaggs en 1999, mettent en évidence l'existence de preuves indirectes de l'utilisation par les employeurs de simples suppositions pour juger que les femmes ont un niveau d'engagement organisationnel inférieur à celui des hommes. En effet, ces suppositions reposent sur le fait que les femmes, en tant que groupe, ont des interruptions plus fréquentes dans leur carrière que les hommes, du fait de congés de maternité par exemple (Tomaskovic-Devey et Skaggs, 1999). [...]
[...] Également, les femmes ont moins de possibilités de promotion, le développement de leur carrière est donc moindre par rapport aux hommes (Bielby & Baron, 1986). Enfin, nous constatons des disparités de salaires. En 1999, Tomaskovic-Devey et Skaggs ont montré que les femmes percevaient un salaire plus bas que les hommes. Cela s'explique par le type de postes qu'elles occupent, elles ont moins d'opportunités d'y investir et démontrer leurs compétences. Ainsi, les augmentations sont peu probables. En outre, le statut parental peut affecter l'évaluation et les potentielles évolutions d'un salarié. [...]
[...] Aussi, Bielby et Baron (1986) avancent l'hypothèse de la prophétie autoréalisatrice de la discrimination statistique. Celle-ci suggère qu'à force que les employeurs affectent les femmes à des tâches routinières et à des postes sans réelle possibilité d'évolution, il est possible que ces femmes finissent par présenter un engagement organisationnel plus faible et ainsi confirmer les stéréotypes de départ. Blau et Kahn (1981) ainsi que England (1992), cités par Tomaskovic-Devey et Skaggs (1999), ont d'ailleurs mis en évidence dans leur étude que les quelques différences d'engagement entre les femmes et les hommes étaient en réalité expliquée par les salaires inférieurs des femmes plutôt que par une plus forte propension à quitter un employeur donné. [...]
[...] Pour répondre à toutes ces questions, il convient en premier lieu de distinguer la discrimination statistique de la discrimination générale. Une des principales raisons qui distinguent la discrimination statistique de discrimination motivée par l'émotion, les stéréotypes sans fondement ou encore l'intérêt du groupe réside dans le fait qu'elle est fondée sur les décisions rationnelles des employeurs qui sont guidés par des informations empiriques liées à l'évaluation de la productivité et du risque (Baumle & Fossett, 2005) entre des classes facilement identifiables de candidats à un emploi (Tomaskovic-Devey & Skaggs, 1999). [...]
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