« La mise en place de systèmes d'évaluation inadaptés à la réalité du travail peut contribuer à le vider de tout son sens ». Dominique Huez, médecin du travail, entend montrer combien l'évaluation du travail est un procédé sensible puisque, mal conçu, il peut obtenir des résultats opposés à ceux escomptés. La sensibilité de ce procédé vient notamment du fait qu'il se trouve au cœur de l'organisation du travail, et dans sa problématique collective (productivité du travail et performance de l'entreprise) et dans sa dimension individuelle (rôle des managers, risques psychosociaux…). Aujourd'hui, l'évaluation du travail, sous-entendu du travailleur réalisant le travail, est un procédé largement accepté sur le principe. En revanche, dans son déploiement concret, l'évaluation est un processus dont les mises en œuvre ne font pas toujours l'unanimité.
La démarche entreprise ici est de soulever les problématiques fondamentales qui caractérisent par essence la notion d'évaluation, tout en dégageant des conseils pour les managers. Il ne s'agit pas de dresser une liste de bonnes pratiques comme ce pourrait être le cas dans un guide réalisé par le service Ressources Humaines d'une entreprise. Cette approche vise à exposer les raisonnements à même de fonder les conseils pratiques qu'on peut donner aux managers pour pratiquer l'évaluation.
[...] Ces questions sont d'autant plus importantes qu'elles sont déterminantes quant à la motivation des travailleurs. La reconnaissance est déjà en elle-même une forme de rétribution. Elle est une pierre angulaire car elle joue un rôle dans la construction d'identité du salarié. Plus encore, quand la rétribution financière (salaire et augmentation) est directement liée à l'évaluation et évoquée pendant l'entretien annuel, alors il y a sans doute une cristallisation encore plus aiguë des problématiques susmentionnées. Toutefois, la force de la rétribution financière peut être relativisée. [...]
[...] Cela est d'autant plus vrai que l'évaluation est aussi le lieu d'expression d'un pouvoir, celui de la hiérarchie. Dans la mesure où il peut impliquer un fort sentiment d'infériorité voire d'impuissance, le lien de subordination n'est pas neutre dans les perceptions que peut avoir le salarié sur la façon dont son manager reconnaît ses efforts et les rétribue[6]. Or, on sait depuis bien longtemps combien la question de l'équité et de la justice est philosophiquement épineuse[7] Le problème de la connaissance du travail : travail prescrit et travail réel Plus encore, la base de l'évaluation n'est pas sa méthode (la technique d'évaluation par exemple) ou son sujet (le travailleur). [...]
[...] D'ailleurs, il est souvent reproché aux formations de gestion des lacunes en ce domaine, notamment sur le peu de place accordé aux sciences humaines et aux aspects qualitatifs de la Gestion[2]. Un processus d'évaluation formel et répandu : l'entretien annuel L'évaluation prend la forme de processus plus ou moins formels. Un entretien annuel d'évaluation est un dispositif formalisé et formel par exemple. Le regard lointain du manager, par personne interposée, sur le travail de son collaborateur relève d'une évaluation plus informelle. Il n'y a pas de dosage miracle entre le formel et l'informel. [...]
[...] Dans le processus d'évaluation, cela revient à accorder de l'importance aux efforts fournis par le salarié ainsi qu'à sa maîtrise des tâches imprévues, mais nécessaires, à l'accomplissement final du travail. Or, tous ces éléments ne sont pas identifiables et évaluables par des critères objectifs tels que le temps de travail, la compétence du salarié Les efforts fournis et les tâches imprévues sont souvent des éléments insoupçonnables pour le manager. C'est au salarié de les exprimer, au manager de créer les conditions de cette expression. [...]
[...] Au-delà de la stricte question de l'évaluation, on peut s'interroger sur d'autres aspects de la fonction Ressources Humaines. En effet, est-il si évident que cette experte en choses humaines ait toujours été mieux inspirée en ce qui concerne l'approche de la personne, de ses comportements et de ses décisions ? La confiance, son maintien et sa constitution constituent-ils vraiment des références fortes des politiques RH ? Les politiques de rémunération et de gestion des personnes au quotidien prennent-elles vraiment en compte les préoccupations naturelles de justice ? [...]
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