Jean Pierre Le Goff porte un regard de philosophe sur les thèmes et mythes modernes récurrents de l'"idéologie managériale". C'est au travers de ce prisme qu'il pense pouvoir comprendre la société dans son ensemble. En effet, une majorité de la population passe beaucoup plus de temps en entreprise qu'en famille.
J.P. Le Goff débute son ouvrage par une description des nouveaux outils de management, les stages. Très coûteux, ils proposent de "régénérer" les "forces vives" de l'entreprise. Pour cela ils offrent des méthodes qui, à les croire seraient vertueuses, efficaces et simples. Qui plus est, elles se présentent sous le label de la science, de la technique et viennent en majorité des Etats-Unis.
[...] Les chartes ont pour objet officiel d'impliquer chaque employé dans la marche de l'entreprise et de transformer tout travail en acte créatif. Néanmoins, cette ambition peut-elle être efficace en ce qui concerne les balayeurs, les manutentionnaires, les comptables, les secrétaires ? De plus, on peut douter qu'il soit possible de décréter l'autonomie. Les managers refusent de penser le travail comme nécessaire moyen de subsistance des hommes. Ils préfèrent le penser comme connecté à une "mission". On assiste à un retour du "paternalisme à la française" et de l'humanisme chrétien. [...]
[...] En effet, si l'auteur a le mérite de soutenir une thèse, il ne peut de ce fait se permettre ni l'exhaustivité ni la nuance. La vision linéaire et manichéenne que présente Jean-Pierre Le Goff de ce monde façonné par les managers n'est- il pas, au fond proche de la technique qu'il use pour diffuser son message. A l'en croire, le monde moderne serait lisible. La diabolisation des entreprises et surtout la non différenciation entre-elles tendrait à décrédibiliser la thèse de ce livre. En effet, comment parler d'un modèle unique de l'entreprise. [...]
[...] Car le plus profond besoin spirituel des hommes n'est ni la justice ni l'ordre mais la signification . Les sanctuaires désertés, l'humanité risque de mourir d'ennui sur les bancs d'école, en continuant d'ânonner qu'elle est parvenue à l'âge adulte". Conclusion : De l'échec de mai 68 à la barbarie douce du management Mai 68 marque précisément le moment de fracture initial. Il entame une critique et une déconstruction radicales de l'imaginaire industriel, mais il ne parvient pas à y substituer la représentation d'un avenir discernable. [...]
[...] Après sa mort, certains de ses élèves (dont des ingénieurs de Polytechnique) en font un messie et organise une nouvelle religion autour de son culte. Cette analogie avec les gourous du XXe siècle est intéressante. Saint Simon introduit une représentation rénovée de la société et de l'histoire. Pour lui, l'âge d'or n'est pas derrière mais devant. L'histoire se déploie selon un mouvement ascendant par l'industrie. La société saint-simonienne est une totalité organique. Tous les organes articulés concourent à la production. Le projet saint-simonien entend uniquement agir sur la nature et non sur les hommes. Cela doit permettre de supprimer la domination et la violence. [...]
[...] Ce mouvement s'oppose à une théologie désincarnée mettant en lumière un dualisme du spirituel et du temporel. Les prêtres ouvriers naissent de cette conception d'une parole divine non disjointe des réalités terrestres. De nombreux catholiques s'émancipent ainsi du carcan de l'Eglise. L'homme étant créé à l'image de Dieu, la raison mise en œuvre dans la technique exprime cette "parenté divine". Dans cette perspective, le développement économique et technique offre ainsi à l'homme la possibilité inédite d'aller jusqu'au bout d'une entreprise rationnelle et vertueuse de la nature, de s'accomplir en créant un monde à sa mesure, comme Dieu lui- même l'a voulu. [...]
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