L'idée du « malaise des cadres » n'a, en soi, rien de très nouveau. Il y a chez les cadres un « mal-être » quasi inhérent à leur existence et à leur position dans les organisations. En effet, ils sont à la fois salariés comme les autres et différents des autres. L' « exercice de l'autorité » est d'ailleurs toujours apparu comme la composante la plus délicate de leur fonction.
La détérioration de la situation des cadres s'inscrit dans l'évolution profonde des organisations. Partis à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour gouverner l'entreprise à parité avec le capital, les cadres se retrouvent aujourd'hui les premières victimes du triomphe de la mondialisation de l'économie.
Au contraire des salariés qui ont des pratiques collectives, revendicatrices, l'individualisme des cadres relève d'un mécanisme de « cercle vicieux ». En effet, un accord tacite existait entre l'entreprise et les cadres pour que ces derniers soient gérés or de toutes règles collectives mais pourtant leurs conditions sont aujourd'hui plus proches que jamais de celles de l'ensemble des salariés.
Que faire face à la rupture de l'équilibre social qui caractérisait la relation des cadres à leur entreprise ?
Il devient nécessaire de chercher des possibilités plus dynamiques et plus ouvertes pour redéfinir une « offre de travail ». Cette nouvelle offre, en s'appuyant sur cette réalité, permettrait de rebâtir le contrat qui unit une entreprise à ses cadres.
[...] La solution réside sans doute dans le contenu des emplois. Par exemple, en confiant à des cadres une responsabilité opérationnelle (la direction d'une branche) et un domaine fonctionnel (la gestion des ressources humaines). Le problème, c'est que cette approche différente et déspécialisante est pour le moment réservée aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie, ceux dont on pense qu'ils ont la capacité d'intégrer deux logiques à la fois. Cela suppose que chaque fois qu'un expert est recruté, promu, muté, sa nouvelle affectation est multidimensionnelle. [...]
[...] Mais aussi parce qu'elle éloignait le cadre de la relation directe et confiante avec la direction C'est ce que confirme la troisième étape, celle de la victoire du client et de l'actionnaire. Du malaise au désinvestissement Trente ans plus tard, la rupture avec l'entreprise est consommée. On ne parle plus de malaise mais de frustration de dialogue de sourd ou encore de prise de recul Cette rupture remonterait aux années 1993-1994, années noires pour l'économie mondiale. On parle même de perte d'identité des cadres par rapport à leurs quatre dimensions : la proximité aux instances dirigeantes, l'investissement dans l'entreprise, le statut et la réserve traditionnelle face à l'action collective. [...]
[...] Ce qui a permis, en réalité, une radicalisation de la position des cadres par rapport à la RTT. Au départ les cadres, furent les victimes expiatoires de la RTT, puis les principaux bénéficiaires. La mise en place des 35h00 n'a pas, du moins immédiatement, provoqué la création massive d'emplois espérée. La quantité de biens produits et services étant équivalente, la première variable d'ajustement fut la productivité. Ainsi, les entreprises ont redéfini l'organisation du travail pour travailler plus vite et compenser la perte de temps de travail effectif. [...]
[...] D'autre part, les organisations ont profondément changé depuis le milieu des années 1970 ; auparavant les entreprises travaillaient avant tout pour ceux qui étaient en leur sein ; clients et/ou actionnaires passaient après. Depuis trente ans, cette logique se renverse. La mondialisation a ainsi eu pour effet d'inverser la relation de pouvoir entre les fournisseurs et leurs clients. Nous sommes passés d'une période où les produits étaient rares, à une période où ce sont les clients qui le sont. Ces derniers, accompagnés des actionnaires, peuvent alors demander accroissement de la qualité et réduction des coûts. Cette double demande a entraîné une évolution des organisations. [...]
[...] Chacun devient responsable et comptable du tout au-delà de la partie qu'il a en charge. Le client remonte dans l'organisation et, poussé par l'actionnaire, impose ses exigences de coût et de qualité. Les cadres se retrouvent donc surexposés à des tensions diverses et contradictoires alors même que l'individualisme extrême et les modes de rémunération les font parfois sortir du salariat. C'est-à-dire la première des protections, celle liée à l'affiliation. Cette situation engendre deux séries de conséquences, celles qui sont microsociales et celles qui sont macro sociales. [...]
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