L'étude de cas est pratiquée depuis des décennies par les chercheurs de la plupart des sciences sociales, mais beaucoup, en sciences de gestion, semblent continuer à penser que cette méthode de recherche est réservée à des phases exploratoires et ne permet pas d'atteindre la généralisation, condition de scientificité des résultats. Pour Tidjani (1995), l'étude de cas n'est pas réservée aux phases exploratoires et elle permet la généralisation des résultats. Ce résultat est connu depuis longtemps, pour peu que l'on reformule la question de manière appropriée. C'est ce que nous allons tenter dans cet article, apportant ainsi notre contribution à un débat aujourd'hui à maturité en sciences sociales en général et en sciences de gestion en particulier (Yin, 1990 ; Denzin et Lincoln, 1994 ; de la Ville, 2000 ; Hlady-Rispal, 2002).
Pour autant, le débat a eu lieu de différentes manières dans diverses disciplines des sciences sociales : la notion de « cas » est appréhendée différemment en sciences de gestion, en histoire, en anthropologie ou en sciences politiques (David, 2003). La littérature correspondante est très abondante, et les usages de l'étude de cas sont très variés. De même, les différentes méthodologies en vigueur donnent-elles au « cas » un statut différent : l'historien qui étudie une bataille ne l'aborde pas nécessairement comme un « cas », pas plus que l'anthropologue traditionnel ne considère comme un « cas » à transposer ou à généraliser l'étude en profondeur qu'il fait de telle ou telle population, tribu ou culture.
Cet article essaie de montrer comment il est possible de mieux appréhender la question de la généralisation dans les études de cas. Nous rappellerons tout d'abord le contexte des recherches utilisant la méthode des « cas » (typologies, limites). Nous aborderons ensuite la place du cas dans les raisonnements et théories scientifiques. Nous nous intéresserons, en troisième lieu, à la question du pourquoi et du comment généraliser la notion de généralisation pour comprendre selon quels mécanismes se fait la généralisation des résultats dans les études de cas. Nous conclurons sur les spécificités de l'étude de cas en sciences de gestion et sur leurs conséquences sur les modes de généralisation des connaissances scientifiques.
[...] and David, A. (2004): Collaborative Management research: do we have to choose between actionability and scientificity? Academy of Management conference on Creating actionable knowledge, New Orleans, august. Hlady-Rispal (2002) Les études de cas : application à la recherche en gestion, De Boeck. Koenig, G. (1993), Production de la connaissance et constitution des pratiques organisationnelles Revue de l'AGRH, novembre. Laufer, R. [...]
[...] Voir en page 2 Voir méthodologie utilisée par Rispal dans sa thèse (Rispal, 1995) La notion de cas en logique ne recouvre pas nécessairement et exactement ce que nous appelons cas dans nos recherches. Il nous a néanmoins paru intéressant d'aborder rapidement ce point ici. Rappelons ici que la déduction consiste à déduire de manière certaine la conséquence si la règle et le cas sont vrais (tous les haricots du cas sac sont blancs, ces haricots sur la table viennent du sac, donc ils sont blancs), que l'induction consiste à proposer une règle pouvant rendre compte de la conséquence si le cas est vrai (ces haricots viennent du sac et ils sont blancs, donc il est possible que tous les haricots du sac soient blancs), et l'abduction, ou rétroduction, à proposer un cas pouvant rendre compte de la conséquence si la règle est vraie (tous les haricots de ce sac sont blancs, ces haricots sur la table sont blancs, donc il est possible qu'ils viennent du sac) [Boudon 1990 ; David, 2000]. [...]
[...] Le paradoxe apparent, vu d'aujourd'hui, est que, dans la tradition leplaysienne, on estime s'intéresser au cas général et non au cas particulier : La monographie fuit avec soin le cas particulier et poursuit le cas général : elle néglige l'accident, l'exception, l'anomalie, pour s'acharner après la moyenne, le type. C'est le type qui est la véritable essence de la monographie. Hors du type, pour elle, point de salut ; mais avec le type, elle acquiert vraiment le privilège d'éclairer d'une vive lumière les investigations économiques et sociales. [ ] La statistique officielle va donc en avant garde et dégage les moyennes qui conduisent le monographe à son type. [...]
[...] Qu'il y a eu effectivement un apport du chercheur, un supplément de sens et d'intelligibilité, mais que ceux-ci n'ont pas été surimposés au cas ? La conduite de l'interprétation peut être organisée en deux étapes (Ricoeur 1986) : - Le premier temps consiste en une analyse de la structure interne du terrain : les éléments du cas sont examinés en eux-mêmes, explicités objectivement. Cette recherche descriptive fait apparaître des questions, la problématique naît ainsi du cas. La signification pour l'interprète est à ce stade suspendue. [...]
[...] Le cas peut être illustratif, c'est-à-dire servir essentiellement à faire comprendre une théorie, sans valeur démonstrative ni, a priori, générale. On peut, par exemple, analyser un processus empirique d'apprentissage avec les concepts d'exploitation et d'exploration [March] ou de simple et double boucle [Argyris et Schön] ou d'incrémentalismes de divers types, pour montrer que cette théorie s'applique Ici, la théorie doit donc être quasi entièrement formulée au préalable. Le cas peut être typique. Typique au sens courant signifie particulièrement représentatif de quelque chose. [...]
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