Le fait même de retenir le terme « organisation » comme une notion dans cet ouvrage est chargé de signification. Désignant une entité spécifique ou un ensemble social distinct du groupe, de la communauté ou de la société, il n'est apparu que récemment. Dans le langage courant, il est habituellement associé à d'autres termes : organisation sociale, organisation du travail, organisation du temps..., ou employé comme qualificatif : changement ou processus organisationnels... Il se réfère alors moins à un objet qu'à un état, ou à une action (action de s'organiser), supposant des sujets, individuels ou collectifs.
[...] Les règles ne suffisent pas, en effet, à fonder une organisation et à l'inscrire dans une histoire. Pas plus qu'un poème ne se réduit au respect de règles de versification ou de rythme, ou un chant à des règles de solfège qui ne constituent que sa syntaxe. Pour vivre, il leur faut du sens, qui se construit par le récit, c'est-à- dire un discours de représentations où des figures incarnées les animent, leur donnent un visage, les reliant à un passé, rappelant que l'histoire ne débute pas avec la création de l'organisation. [...]
[...] Sur le plan théorique, d'abord descriptif (toute description implique en effet une certaine forme de conceptualisaton5), cette question suppose la prise en compte des relations entre les multiples dimensions selon lesquelles la vie organisationnelle peut être analysée. Autrement dit, elle implique une conception de l'organisation vue comme un ensemble complexe et dynamique, et non réduite à un seul point de vue. Les difficultés de cette entreprise sont évidentes. Elle s'est cependant révélée extrêmement productive, comme en témoignent les nombreuses avancées qu'elle a rendues possibles, et dont nous évoquerons brièvement certains des principaux axes. [...]
[...] Contrairement aux communautés, dont la finalité première est de préserver leur existence en tant que telle, les organisations n'ont de sens que dans la mesure où elles sont capables d'effectuer les tâches qui leur sont dévolues ou qu'elles se donnent, et d'exercer avec efficacité les fonctions qu'elles assument dans la société, aussi longtemps que celles-là sont ressenties comme nécessaires. Ainsi, chacun est soumis à l'obligation de remplir le rôle qui lui est assigné. Il ne lui est pas possible de faire n'importe quoi, n'importe comment, n'importe quand ou n'importe où. Autrement dit, la tâche commune est subdivisée entre les membres ou les groupes de membres en autant de tâches spécifiques et interdépendantes, bien que les critères selon lesquels ces divisions sont faites diffèrent selon le type d'organisation ou les modèles de référence. [...]
[...] Cette réification de la notion d'organisation est particulièrement prégnante dans la langue française ; par comparaison, en anglais, le terme organisation renvoie davantage au processus dynamique à l'œuvre. Enfin, sur le plan historique, il est intéressant de noter que le terme a fait son apparition en sociologie et en sciences politiques à partir de la Révolution française, au moment précisément où des institutions humaines ont été créées et dotées de structures autonomes sans se référer à un prince, et qui a donc vu la naissance d'associations librement formées par des citoyens. [...]
[...] Si ce type d'unité sociale1 a pris de plus en plus d'importance dans nos sociétés, c'est en raison de leur complexité croissante, impliquant une spécialisation de plus en plus poussée et requérant des moyens technique, administratifs ou financiers de plus en plus difficiles à réunir et à gérer. Un trait majeur caractérisant les organisations est leur spécialisation. Elles se définissent par rapport à des projets d'action, et non par rapport à des projets de vie, à la différence des communautés sociales2 (familles, communautés locales ) toujours référées à un territoire ou à des liens de parenté (au sang). [...]
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