«Le monde est le lieu de travail de Baker et McKenzie », dit avec simplicité le slogan de la première firme américaine au monde. Les firmes juridiques américaines et anglaises ne figurent pas parmi les multinationales dont on parle le plus. Et pourtant. Depuis les années 1980 et le boom des OPA qu'ont connu la France comme l'Europe, nombre des plus puissantes d'entre elles se sont implantées en Asie, dans le Pacifique et sur le continent européen. Une sociologue américaine, Susan Silbey est allée jusqu'à parler de néo-colonialisme à propos de l'exportation du droit américain vers les pays d'Europe de l'Est.
...C'est pourquoi nous nous interrogerons sur les motivations des dirigeants de grandes firmes juridiques qui ont fait le choix de franchir l'océan. Dans un deuxième temps, nous étudierons les moyens subtils par lesquels les firmes, sans jamais se contenter de planter un drapeau ou de parachuter des avocats, ont rendu leur travail et leur système juridique indispensables. Enfin, nous nous interrogerons sur l'avenir de ces firmes juridiques et sur les questions que pose l'exportation du droit et la soumission des normes aux impératifs commerciaux...
[...] Cette politique, dont on comprend aisément l'impact positif dans les régions d'implantation, n'est pas de pure forme. Certes, toutes les law firms ne sont pas systématiquement décentralisées. Mais certaines d'entre elles font clairement ce choix. La part des avocats locaux tend même à croître à mesure que le cabinet se développe. La firme anglaise Freshfields, quatrième des firmes juridiques londoniennes avec seize cabinets à l'étranger, comptait 66 avocats dans son cabinet de Hongkong en 1999, dont 36 locaux. Plus significativement encore, l'un des anciens PDG de Baker et McKenzie était un Australien recruté à Hongkong. [...]
[...] Même pour des firmes de cette envergure, le choix de la présence directe exige d'emblée de lourds investissement. D'autres firmes ont fait le choix de la présence indirecte. Les associations avec d'autres firmes se manifeste alors principalement par le fait que chacun des membres aiguille ses clients vers les autres, laissant cependant au client le choix ultime. Mais on observe en outre des échanges de personnel et des réunions destinées à discuter telle ou telle évolution du droit ou du cours des affaires. [...]
[...] Les law firms : les motivations d'une globalisation réussie Les law firms ont suivi leurs principaux clients Avant d'étudier comment les law firms anglo-saxonnes ont pris place dans le marché mondial du droit, il convient de se demander quelles raisons les ont poussées à aborder un terrain si concurrentiel, renonçant apparemment à profiter des contacts et des connaissances juridiques accumulés dans leur pays d'origine. La première motivation des law firms consiste logiquement à suivre leurs meilleurs clients dans leur implantation à l'étranger. C'est notamment le cas de deux grandes firmes new-yorkaises, Shearman Sterling, suivant l'implantation d'une filiale de la Citibank à Paris en 1967, et Sullivan & Cromwell accompagnant la globalisation de Goldman Sachs. Elles peuvent ainsi fournir directement et de vive voix des conseils et des services diversifiés, non seulement juridiques mais encore comptables ou commerciaux. [...]
[...] Faute de présenter des prix concurrentiels, les Américains pouvaient jouer cette carte. Et bien d'autres encore. Les law firms anglo-saxonnes ne se sont pas lancées à la conquête du monde les mains vides. Les avocats britanniques ont pu mettre à profit la colonisation et son corollaire, l'exportation de la common law sur plusieurs continents. Ils bénéficiaient en outre du statut de Londres de premier centre financier mondial. Les principaux interlocuteurs étaient donc connus et plus faciles à contacter pour leurs compatriotes plus que pour quiconque. [...]
[...] Aux Etats-Unis, les firmes comptables subissent la même interdiction. Pas en Europe, ce qui rend plus menaçants encore aux yeux des law firms ces concurrents dotés de capitaux, de clientèles et d'implantation géographiques plus importants. Les law firms ont profité du boom des OPA Enfin, les law firms anglo-saxonnes, qui jusqu'aux années 1980 ne recrutaient pas de jeunes loups du droit et de la finance, vont connaître une mini-révolution. L'ensemble de l'économie américaine est affecté à ce moment-là par une vague de fusions-acquisitions qui pour la première fois fait de toutes les grandes entreprises et de leurs cadres supérieurs des proies potentielles. [...]
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