Penser stratégiquement suppose de disposer d'un « objet » de pensée. Depuis des siècles en Occident, la guerre a été l'objet stratégique par excellence. Par nécessité et par fonction.
Sauf à lâcher les guides d'une conflictualité déjà passablement chaotique et dont les avatars mettaient périodiquement en péril l'avenir des sociétés européennes (guerre de Cent Ans, guerre de Trente Ans), il était devenu indispensable de tracer des limites, pour ce faire d'émettre des règles du jeu, et de tenter de contenir ainsi la violence dans un cadre conventionnel acceptable. C'est ce qui fut fait au XVIIIe siècle et qu'on chercha à maintenir au XIXe.
La complexité d'un sujet aussi vital que la guerre la plaçait en outre au point focal où devaient converger le politique (et sa volonté d'agir) et les techniques (avec leurs capacités d'action). La seule justification politique de la guerre était son rapport coût/efficacité (...)
[...] Prévention et médiation Ce que nécessite une pensée sur la crise c'est un basculement complet de l'aval vers l'amont. S'agissant du phénomène crise, nous avons bien compris qu'une fois déclenchée, nous n'avions plus le choix qu'entre sa stabilisation ou une dégradation de la situation, l'une et l'autre étant coûteuses et aléatoires. Il est donc indispensable d'intervenir en amont des événements, non pour empêcher la crise dont nous avons dit par ailleurs qu'elle était inéluctable et souvent nécessaire, mais pour la tenir sous contrôle et pour en maîtriser les effets les plus dangereux. [...]
[...] Le médiateur n'est pas seulement un tiers, c'est aussi un homme du milieu, donc un sage, ayant le sens de la mesure, de la communication et de la justice. Si le monde critique d'aujourd'hui a besoin de stratèges médiateurs, il devrait également multiplier et déployer les organismes de médiation. Les« conseils de sécurité et autres cour de justice sont des lieux de décision dont les résolutions sont rarement appliquées parce que difficilement applicables dans un contexte de crise : il est peu probable, par exemple, que les quelques milliers de soldats destinés à pacifier le Darfour y aient, sur un territoire grand comme la France, un impact décisif, outre celui de soulager la conscience des pays participants. [...]
[...] Il en va de même pour les autres formes de crise dont les effets cumulatifs ont modifié l'ampleur. La crise est également comparable aux incendies contre lesquels, le vent et la sécheresse aidant, il devient très difficile de lutter. En réalité, dans ce cas précis, le seul dispositif de lutte qui soit efficace est préventif : capteurs, surveillance, alerte, coupe feux, bornes incendie, lacs réservoirs, etc. À travers ces exemples simples et habituels, il est facile d'imaginer les procédures de prévention à mettre en œuvre dans le cas des crises qui affectent les sociétés. [...]
[...] Dans ses prémisses, la crise est rarement prise au sérieux. Elle est rampante au contraire de la guerre qui est explosive et ne présente dans ses premières manifestations, aucun caractère tragique Elle ne se distingue pas suffisamment de la situation antérieure pour qu'on y reconnaisse un état particulier comme le furent en leur temps la guerre et la paix. La crise ne bénéficie pas de marqueurs aussi visibles, concernant l'adversité, les dispositions à prendre, les déroulements probables, etc. Dans l'incertitude sur ce qu'il y a lieu de faire, on réunit dans l'urgence une cellule de crise qui compulse dépêches d'agences et télégrammes diplomatiques pour finir par proposer, soit de ne rien faire, soit d'envoyer sur place un élément militaire d'intervention . [...]
[...] La médiation découle directement de la notion de crise. Celle-ci, nous l'avons observé plus haut, est elle-même une transition, une situation provisoire et donc intermédiaire entre une situation révolue et une autre à venir. Cette phase de changement remet en question des équilibres qu'il faudrait rétablir, par exemple en recentrant le débat entre : autorité et liberté droits et devoirs horizontal et vertical ».Cette recherche de nouveaux équilibres peut être tentée par plusieurs méthodes, celle de l'attente en laissant faire le temps, celle, expérimentale, de tâtonnements et d'essais, ou celle enfin, plus radicale, des rapports de forces, avec les risques de dégradation de situation qu'elle comporte. [...]
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