Etat des lieux, spécificités et avenir du leadership féminin en entreprise

Résumé du document

L'inégalité entre les hommes et les femmes est l'un des phénomènes marquants de notre société actuelle : que ce soit dans la vie, en général, ou dans le monde particulier des organisations, le mouvement d'émancipation des femmes entamée lors du XX° siècle n'en est qu'à ses débuts, tout du moins quant à ses retombées concrètes. Comment l'expliquer ? Le travail étant devenu moins pénible physiquement, on comprend mal que les femmes subissent toujours une certaine domination des hommes. Laissant présager une amélioration pour les décennies à venir, les médias ont accaparé le débat, notamment en ce qui concerne la parité en politique. Toujours est-il que, lorsqu'une femme devient chancelière, présidente, ou premier ministre d'un pays, on en fait grand bruit, ce qui montre bien que nos sociétés ne sont pas encore tout à fait prêtes à ces changements…
C'est pour toutes ces raisons que nous avons choisi d'étudier le leadership des femmes : les femmes leaders sont assez rares, ce qui les rend d'autant plus charismatiques. Ce sujet est l'occasion de s'interroger sur les possibilités d'accession aux postes nécessitant de fortes capacités de leadership qu'ont les femmes : leur faible présence à ces postes est-elle le signe d'une incapacité à être un véritable leader, ou relève-t-elle plutôt de discriminations dont les femmes seraient victimes ?
Pour répondre à ces questions, nous avons effectué plusieurs entretiens auprès de femmes dont on peut penser qu'elles sont a priori des leaders : Madame J., proviseur du lycée Sainte-Geneviève à Versailles ; Madame D., PDG de Johnson&Johnson France ; Madame M., directrice financière de Rhodia. Nous avons également complété ces interviews par un micro-trottoir réalisé avec les étudiants d'HEC, ce qui nous a permis de repérer les a priori relatifs à notre sujet.
Dès lors, nous avons organisé notre analyse en trois grandes parties. La première consiste à définir, assez généralement, la notion complexe de leadership, ainsi qu'à mettre en évidence, à l'aide de statistiques, les inégalités évidentes dont sont victimes les femmes. La question a, ensuite, été d'expliquer ces injustices, question dont la réponse requiert nécessairement un détour historique et social pour comprendre les fondements de l'inégalité actuelle entre les femmes et les hommes. Enfin, la troisième partie est une analyse de la spécificité du leadership féminin : en quoi se différencie-t-il du leadership masculin, celui qui correspond plus aux définitions théoriques vues dans la première partie ? Les femmes leaders sont-elles plus efficaces que les hommes ?

Extraits

[...] Madame D., PDG Johnson &Johnson France Je pense que le leadership a plusieurs dimensions. C'est d'abord la capacité à visionner l'avenir, à se projeter dans l'avenir. Mais c'est aussi de la part du leader la capacité à faire adhérer les gens, leur donner envie de le suivre, faire bouger les gens. Dans le leadership, il y a une sorte d'alchimie qui se passe. Enfin, il n'y a pas de leadership sans un certain système de contrôle Le leadership ne relève pas seulement d'une personnalité exceptionnelle, selon madame D., mais aussi des personnes que le leader doit gérer, d'où l'idée d'alchimie. [...]

[...] Etre leader demande une implication importante. La société est peu tolérante pour les femmes leaders. Par exemple, lors d'une réunion, si un homme se lève pour dire qu'il doit aller chercher ses enfants, on s'attendrit sur ce bon père de famille , mais si une femme se lève pour aller chercher ses enfants, on lui reproche de ne pas prendre sa vie professionnelle au sérieux ! Nous sommes perclus de culpabilité de tous bords : on s'en veut quand on laisse du travail au bureau alors que d'autres restent ; on s'en veut quand on quitte ses enfants pour aller travailler J'ai tellement d'épanouissement dans mon travail que je serais terrible, insupportable si on m'en privait et si j'avais été contrainte d'être mère au foyer N'empêche qu'il y a une culpabilisation permanente de la société : elle ne s'occupe pas de ses enfants C'est un poids social qui est très dur Mais il faut assumer aussi son plaisir de pouvoir Le monde moderne est un monde qui change vite. [...]

[...] Pensez-vous qu'une femme a plus de difficultés qu'un homme à s'imposer en tant que leader ? Doit-elle pour cela adopter des valeurs masculines ? Quand on est femme, il faut indéniablement être meilleur que les hommes pour aspirer aux mêmes postes. C'est sans doute parce que nous vivons dans un terreau sociologique qui voit les femmes comme ne prenant pas de risques. Lorsqu'on m'a choisi pour être proviseur de Ginette, mes nouveaux collègues étaient très méfiants à mon égard : je n'étais ni jésuite ni homme. [...]

[...] La présence des femmes aux postes de managers et de leaders permet donc à une organisation de mieux utiliser son capital humain. Par ailleurs, le fait que les femmes n'aient pas cette obsession du résultat améliore le climat social dans les organisations. Dans l'entreprise, les femmes accordent davantage d'importance à la concertation, la convivialité, le partage et la cohésion plutôt qu'à la stricte recherche de résultat et de profit. Selon le sondage réalisé par la Sofres des personnes interrogées estimaient que la présence d'une femme à un poste de responsabilité dans l'entreprise avait des effets positifs sur le climat social et l'ambiance au travail. [...]

[...] D'autre part, un nombre croissant d'entreprises met en place des programmes pour faciliter le travail des femmes : garderie d'enfants, aménagements des horaires, temps partagé, temps partiel, flexibilité du lieu de travail, coaching / parrainage, programmes de développements de carrières Si on souhaite une présence plus importante des femmes aux postes de management et de leader, c'est bien que les femmes offrent des avantages spécifiques, différents de ceux des hommes. On en déduit donc qu'il existe un leadership féminin, qui est une autre forme de leadership que le leadership masculin, un leadership qui ne met pas l'accent sur les mêmes dimensions, et qui n'utilise pas les mêmes moyens Mme J. rappelle : les femmes n'ont pas à vivre le leadership de façon masculine». [...]