Financiarisation, sociologie, finance, valeur actionnariale, capitalisme, actionnaires, licenciement, fusion-acquisition
Le capitalisme, du point de vue de la gouvernance des entreprises américaines (en d'autres termes, l'exercice de l'autorité dans des situations au le pouvoir est partagé entre plusieurs acteurs dont les intérêts ne convergent pas spontanément), peut se découper en quatre grandes périodes. La première s'étend de 1850 à 1880 et se caractérise par l'existence d'un capitalisme patrimonial où le patron est seul détenteur du pouvoir. Vient ensuite, entre 1880 et 1945, la période du capitalisme managérial qui signe la naissance de la notion de gouvernance au sein de l'entreprise. En effet, c'est à ce moment que l'on sépare la propriété du pouvoir.
Les propriétaires s'entourent de managers compétents et font appel à la bourse pour diversifier leurs activités, ce qui entraîne une dispersion du capital. Les deux périodes suivantes sont celles qui vont nous intéresser aujourd'hui. Celle qui court de 1945 et 1880 voit l'apparition d'une gouvernance partagée entre l'Etat Américain, les syndicats (et par extension les ouvriers), les acteurs financiers et les managers. C'est dans ce contexte de gouvernance partagée qu'intervient la crise des années 70 et que des voix s'élèvent contre ce partage, en prônant de nouvelles stratégies qui s'imposeront après 1980 avec le capitalisme financier. D'après Neil Fligstein et Taek-Jin Shin, ces stratégies de maximisation de la valeur actionnariale, sur lesquelles nous reviendrons tout au long de cet exposé ont entraîné une réorganisation en profondeur des entreprises. En vue de comprendre les tenants et les aboutissants de cette réorganisation, nous tenterons de répondre à la question suivante :
Les stratégies de la « valeur actionnariale » se sont-elles imposées comme un modèle incontestable de pensée, d'organisation et gestion de l'entreprise ?
[...] La conception actionnariale de la firme considère que la relation entre managers, administrateurs et marchés d'actions fonctionne à la surveillance, à la récompense et à la sanction des managers qui doivent avant tout penser à maximiser les rendements des actifs. Ainsi on lie rémunération à la performance dans les conseils d'administration. Les conseils peuvent changer l'équipe dirigeante en cas de profits insuffisants. Sinon c'est le marché financier qui sanctionne en vendant les actions de l'entreprise et en faisant baisser ses cours de Bourse. En dessous d'un certain seuil, le démantèlement et la revente des actifs à la valeur comptable devient plus profitable que la reprise activité. [...]
[...] Ceci à pour effet de faire baisser les taux de syndicalisation : entre 1977 et 1988, ce taux passe de 25% à 15%. Durant cette période on observe aussi un déclin relatif de la croissance des industries manufacturières au profit du secteur des services et plus particulièrement des secteurs de la finance, de l'immobilier et de l'assurance. Un autre élément de contexte dont nous expliquerons l'importance plus tard est l'explosion de l'usage des Technologies de l'Information et de la Communication qui a permis de substituer la technologie au travail humain. [...]
[...] En levant des fonds pour acheter d'autres entreprises, elles sont devenues plus endettées et moins désirables comme proies d'OPA. Les managers ont donc été mis sous pression pour fermer des sites, réduire les effectifs et réaliser des fusions justifiées en termes d'économies de coûts. C'est ce que nous avons appelé plus tôt le concept de l'entreprise lean and mean Se traduisent par des licenciements et une certaine désyndicalisation Or les nombreuses fusions ont été à l'origine de plans de licenciements dans les secteurs les moins profitables. Les stratégies d'accroissement des profits passent par une "rationalisation" de la production. [...]
[...] Les postes doublons sont supprimés, et on cherche à réduire les coûts. Les licenciements sont massifs malgré leur absence d'effets sur les performances boursières et même lorsque les unités de production sont rentables. Les managers cherchent à éliminer des "couches" de salariés. L'objectif est de se débarrasser de la main d'œuvre à haut coût salarial et de diminuer la dépendance à la force de travail syndiquée. Les managers ont considéré qu'ils pouvaient donner une impulsion à leur cours de Bourse en annonçant des plans de licenciement, et en valorisation une montée sur le retour de l'actif, ce qui n'a pas forcément été le cas. [...]
[...] Ainsi fermer les sites où les syndicats sont nombreux, s'inscrit dans la ligne de la maximisation de la valeur actionnariale. On parle de chasse aux syndicats Amplifiés par l'accroissement des investissements technologiques Les dirigeants qui se sont engagés dans des fusions ont aussi investi dans les technologies informatiques, suggérant que la rationalisation s'est aussi effectuée par l'organisation du travail par l'informatique. Pour dégager effectivement les gains d'élimination des doublons, les entreprises doivent coordonner des activités plus disparates. Les technologies de l'information sont alors indispensables. [...]
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