Cette nouvelle école s'est formée autour de Taïchi Ohno, ingénieur en chef des usines Toyota et concepteur de la méthode Kan-Ban.
Cet homme fut un employé modèle, un rebelle et un pédagogue. Il naît au moment où les premiers modèles T sortent des usines Ford. Après avoir obtenu un diplôme d'ingénieur il entre, vers 1932, à la Toyota Spinning and Weaving (filatures et tissages).
Le fondateur de cet empire industriel nippon, Sakichi Toyota, mort en 1930, était un inventeur. Il fit breveter un métier automatique en 1897, il voyagea au USA et prit connaissance des technologies occidentales. Mais il ne pouvait se satisfaire d'imitations : "Inventons quelque chose d'extraordinaire au moyen des seules ressources du peuple japonais, quelque chose qui ne doive rien aux Blancs" dira-t-il en 1923.
Ayant observé que les ouvriers de son entreprise du textile consacraient l'essentiel de leur temps à surveiller les métiers automatisés pour intervenir en cas d'incidents, il équipa chaque métier d'un appareil de détection d'anomalies. Cet appareil interrompait le fonctionnement de la machine en cas de production incorrecte. Ainsi était né, en 1926, le métier à tisser auto activé et le principe du transfert d'intelligence aux machines, capables de s'ausculter elles-mêmes (jidoka). Les droits de cette invention furent cédés à Platt Brothers en 1930 pour financer des recherches dans le secteur de l'automobile dont S. Toyota pressentit qu'elle serait l'industrie du siècle (...)
[...] Les gorikas (campagnes successives de rationalisation du travail) se sont traduites par des formes de recherche de l'implication des travailleurs au moyen de compromis et d'avantages matériels établis sur un mode plus implicite que négocié et explicite 3. Dans tous les cas, le mouvement conjoint de déspécialisation, polyvalence et constitution de marchés internes du travail dessine une trajectoire japonaise de rationalisation du travail largement inédite. Ce mouvement constitue le socle à partir duquel peuvent être mises en évidence les spécificités de la méthode japonaise. B. [...]
[...] En effet il substitue, aux principes des temps alloués ou imposés des tâches répétitives, le principe du travail en temps partagés sur des tâches multiples et agrégeables dans des standards (de temps et de travail) flexibles. L'introduction du principe de travail en temps partagés constitue, depuis Taylor, la plus grande des révolutions jamais intervenues dans la théorie de la gestion de production. c. Ingénierie locales C'est toujours mille et une ingénieries locales qui accompagneront les grands dispositifs inédits de Ohno. Comme il advient de toutes les découvertes d'importance, par le jeu de sa force propre, la méthode déroule ses effets ; des séries continues et répétées d'innovations, petites ou grandes, conforteront les percées initiales. [...]
[...] Cette théorie nouvelle est une réponse au changement majeur de la période contemporaine qui concerne les formes et normes de concurrence. Aux impératifs de quantité et de coût, de la grande période d'extension de la production de masse à travers le monde, se sont surajoutées des exigences de qualité et de différenciation pour des produits fabriqués en séries plus courtes. Cette situation n'est plus celle du petit marché de l'automobile japonais des années 1950, mais celle de la plupart des secteurs de production dans l'économie mondiale contemporaine. [...]
[...] D'abord partielles et locales, tournées vers la résolution de difficultés pratiques chaque fois particulières, ces solutions, devenues progressivement accumulatives les unes par rapport aux autres, ont fini par devenir une trajectoire originale orientée dans une direction inédite. Aux U.S.A. la voie centrale fut celle de la parcellarisation et de la répétitivité du travail, matérialisée par les protocoles tayloriens de l'étude des temps et des mouvements. Au Japon, la voie suivie a été celle de la déspécialisation du travail qualifié, à travers la mise en oeuvre d'une certaine polyvalence et d'une plurifonctionnalité des hommes et des machines B. [...]
[...] Cela explique, non seulement le succès de Toyota, mais bien au delà le destin du ohnisme, ce qu'il s'agit de comprendre, avant de pouvoir le transposer, c'est un ensemble de principes nouveaux qui fondent véritablement une école nouvelle d'organisation. [...]
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