Denis Kessler, spécialiste en assurance dans le secteur privé, a été président de la FFSA de 1990 à 2002. Il a également été directeur et président du comité exécutif d'Axa. Il est connu pour être un économiste spécialiste du risque et de l'incertain, termes clés du texte que nous allons à présent définir.
En effet, il ne faut pas confondre ces deux notions dont la différenciation est introduite par Frank Knight (1885-1972). Pour lui, nos connaissances sont souvent largement insuffisantes pour déterminer les probabilités des différents événements possibles, et lorsqu'une telle quantification objective des probabilités est impossible, on parle alors d'incertitude.
Le risque, notion qui a été définie en premier par Jérôme Cardan en 1563, renvoie à un danger plus ou moins probable auquel on est exposé. Le risque est mesurable, possible à estimer, même s'il l'est de façon imparfaite. A contrario, l'incertain renvoie à un environnement que l'on ne peut pas déterminer, connaître, ou à un univers non mesurable.
Cette problématique liée aux risques et à l'incertain est un enjeu récent, puisque nous ne vivons plus dans un monde déterministe ; monde qui ne laissait aucune place au doute et inscrivait l'homme dans une relation de linéarité (cf. Spin Les prises de risque de certains dirigeants d'entreprises ravivent le débat quant à la possibilité d'allier le risque avec un comportement éthique.)
[...] On peut donner au moins deux raisons à ce paradoxe. La première peut être associée à l'envie du risquophobe de pouvoir être lui-même capable de prendre des risques. Le fait est que la plupart du temps le risque apporte une valeur ajoutée au bien qui est atteint ; étant donné que ce bien est inatteignable sans prise de risque, le risquophobe prend conscience qu'il ne parviendra jamais à le posséder. Posant les traders en risquophiles, on peut voir que les risquophobes (non traders) sont doublement fascinés par leur réussite : ils leur envient à la fois leur affrontement volontaire au risque, c'est-à-dire leur dépassement de soi, mais surtout la quantité démesurée d'argent amassée en conséquence des risques encourus. [...]
[...] De cette économie de l'incertain découlent notamment la multiplication des assurances et la mutualisation des risques. Même si l'utilisation de l'assurance sert à rassurer les individus, elle reste illusoire puisqu'elle ne peut protéger de tout. Ce n'est pas le seul paradoxe : la majorité des gens est risquophobe et pourtant elle aime voir les autres prendre des risques (catharsis). Avec la crise économique actuelle, il va de soi que l'incertain va continuer à s'accentuer. II. Réflexion Nous allons maintenant étudier le risque à travers trois grands axes. [...]
[...] Le problème de ce calcul de l'espérance d'utilité, comme le montrent de nombreuses critiques, c'est que les individus ne sont pas des êtres pleinement rationnels, qu'ils n'ont pas la possibilité de faire eux-mêmes tous les calculs nécessaires et qu'ils ne peuvent pas connaître précisément tous les états du monde. Même si nous ne possédons pas toutes les données nécessaires, nous réalisons un calcul certes limité mais qui met en balance nos préférences et la probabilité qu'un événement survienne . A partir de ce calcul nous, individus, adoptons le comportement qui vise à maximiser notre intérêt global. Cet intérêt global peut-il s'obtenir en évitant les risques à tout prix (risquophobe) ? Ou s'obtenir en se confrontant à eux, de façon systématique, quoiqu'il en coûte (risquophile)? [...]
[...] Le comportement éthique se trouve donc sûrement dans un juste milieu de l'application de la raison et de la prise de risque. L'intégration raisonnable de la raison dans les choix permet de faire des choix dénués de toute pulsion, de toute passion (propres au risquophile), et dénués de tout frein à l'action par l'installation de la paranoïa (propre au risquophobe). Le risquophobe se plaît à voir les autres prendre des risques et ne cherchent donc pas particulièrement à les prémunir du danger ; le risquophile fait le choix d'aller contre la norme car cet état lui procure la sensation d'une plus grande utilité que s'était conformé, mais sans se soucier des répercussions de son action sur autrui. [...]
[...] La pression du risque exercée par l'environnement sur les hommes Denis Kessler pose la question des risques liés à l'environnement. L'homme vit et agit dans un environnement qui lui est plus ou moins hostile. Ce dernier exerce sur l'homme des pressions qui le poussent parfois à prendre des risques de manière involontaire et démesurée. Spinoza pointe du doigt ce comportement face aux risques qui selon lui résulte du fait que les actions humaines constituent l'assouvissement d'un désir, force supérieure, d'où une remise en question radicale de la liberté de l'action humaine. [...]
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