Bernard Ebbers, ex-PDG de Worldcom, prendra sa retraite en prison. En effet, le tribunal new-yorkais a reconnu coupable le 15 mars 2005 l'ex-PDG de l'exploitant de télécoms Worldcom de neuf chefs d'inculpation, dont ceux de fraude et de complot, dans l'affaire de la plus grosse faillite de l'histoire américaine.
Le jury populaire qui avait suivi six intenses semaines de débats a choisi de n'écarter aucun des neuf chefs d'accusation qui avaient valu le renvoi. M. Ebbers a été reconnu coupable de complot, fraude boursière et de sept fausses déclarations aux autorités boursières, correspondant à des présentations de rapports financiers falsifiés pendant sept trimestres d'affilés entre l'été 2000 et le printemps 2002. Les bilans comptables avaient été falsifiés de manière à ce que les résultats correspondent aux attentes de Wall Street.
[...] Trop peu d'entre eux se trouvent derrière les barreaux, car la police et les commissions des valeurs mobilières ne savent pas comment remonter jusqu'aux auteurs de tels crimes économiques. Les vrais coupables, en fait, ce sont les administrateurs. Et ils s'en tirent indemnes. Plutôt que de respecter leur obligation de fiduciaire, ce qu'on est en droit d'attendre des administrateurs comme des dirigeants, les conseils plaident qu'il faut "soutenir la concurrence", alors que, dans les faits, ils agissent comme des bandits de grand chemin et ce, en toute impunité. La gestion de ces sociétés se porte-t-elle mieux pour autant? [...]
[...] Ebbers d'avoir lui-même ordonné la falsification des comptes de son entreprise à partir de l'été 2000, alors que le secteur des télécoms commençait à subir la crise découlant de l'explosion de la bulle Internet. " Nous devons atteindre nos chiffres! " Cette phrase clé du procès est celle qu'Ebbers aurait martelée à son ex-directeur financier, Scott Sullivan, chargé de faire exécuter les manipulations par les équipes comptables. Pour le PDG, il était impératif que les résultats de WorldCom soient conformes aux attentes de Wall Street, car l'action devait absolument résister à la crise naissante. La fortune du PDG était alors en jeu. Ebbers détenait des millions d'actions de son entreprise. [...]
[...] En effet, l'entreprise est devenue un acteur clé des sociétés contemporaines. [ ] Dans un univers social qui met l'accent sur la croissance, le marché, les échanges, le profit, la productivité et le rendement, l'entreprise est bel et bien devenue [ ] une affaire de société. [ ] les entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, participent à la construction de nos sociétés et [ ] leurs activités, leur logique de fonctionnement, leurs pratiques de gestion, leurs stratégies et leurs valeurs sont au cœur de la dynamique sociale d'aujourd'hui.»[5] En ce sens, il serait bien entendu souhaitable que les vertus de l'entreprise, toujours au sens où l'entend Chanlat[6], soient mises de l'avant. [...]
[...] C'est souvent parce qu'elles disposent de procédures internes de grande qualité que les entreprises sont capables de clôturer leurs comptes rapidement. Ce sont souvent celles qui nous posent le moins de problèmes note Jean-Paul Picard, président de Deloitte France. Certains revendiquent pourtant des moyens d'investigation supplémentaires. «Les banquiers et les avocats de l'entreprise ne sont pas obligés de répondre à nos questions. Cela limite notre appréhension des risques comptables, regrette Didier Kling, commissaire aux comptes et membre du Haut conseil du commissariat aux comptes, nouvelle instance de régulation de la profession en France. [...]
[...] Plus globalement (contexte), on peut mettre ici en cause la financiarisation de l'économie, qui aboutit à ce que les responsables d'entreprises (sous la pression des différents acteurs évoqués ici, mais aussi des petits actionnaires) deviennent totalement obsédés par la valeur de l'action de leur entreprise, et finissent par recourir à des expédients illégaux pour soutenir cette valeur, au mépris de la santé économique de leur entreprise et de stratégies de développement à long terme (les entreprises cotées à la bourse américaine doivent rendre des comptes chaque trimestre ; tout écart entre les promesses du trimestre précédent et les résultats du trimestre qui s'achève, donne lieu à des variations parfois considérables du cours de la bourse). Il est clair que ce scandale n'est pas bon pour l'image du capitalisme libéral, et notamment pour le système boursier - enjeu symbolique. Ce qui se joue ici c'est notamment la participation du peuple américain à ce système. Une faillite comme celle-là n'est pas faite pour leur inspirer confiance et les inciter à placer leurs économies à la Bourse. La loi Sarbanes-Oxley vise d'abord à rassurer ce peuple. [...]
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