A priori, la réforme de l'administration fiscale ne paraît pas nécessaire dans la mesure où le système de gestion de l'impôt tel qu'il existe fonctionne correctement. Dans leur immense majorité, les Français sont respectueux de la loi : le taux de recouvrement spontané des impôts émis par voie de rôle atteint 94% pour l'IR (impôt sur le revenu) et pour la TH (taxe d'habitation) ; le pourcentage des entreprises qui sont reconnues défaillantes en matière de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) est de 4%, ce qui inclut des entreprises en difficulté financière. Néanmoins, réformer les structures de l'administration de façon à répondre plus efficacement aux missions qui lui incombent est un véritable enjeu.
Dans ce sens, le 20 avril 1999, le Ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn, chargeait Thierry Bert et Paul Champsaur de réfléchir sur la réforme de l'administration fiscale française (« Mission 2003 »). Cette administration devait être modernisée, simplifiée et davantage tournée vers les « usagers ». En effet, le rapport d'analyse comparative des administrations fiscales établi par l'Inspection Générale des Finances mettait en lumière le retard pris par la France dans le traitement de l'impôt, tandis que le développement de l'informatique et l'autorisation donnée par le Parlement d'utiliser un identifiant unique rendaient possible une telle modernisation. A la suite d'une étude factuelle et d'une concertation très large auprès des fonctionnaires concernés, un rapport était remis au Ministre des Finances le 6 janvier 2000. Dès le 26 janvier, certaines des réformes proposées étaient adoptées. La réforme de l'administration fiscale semblait en bonne voie. Finalement, suite à une contestation de la part des syndicats majoritaires du Ministère, le projet était retiré le 20 mars.
Dans sa contribution au livre Notre Etat (« La réforme de Bercy : paralysie ou suicide collectif ? », Paris, Robert Laffont, 2000), Thierry Bert revient sur l'échec de cette réforme. Il estime que la résistance à la réforme est généralisée au sein de l'administration fiscale qui, par conséquent, serait impossible à réformer. Réformer l'administration fiscale ce n'est donc pas seulement proposer des plans de réforme, mais c'est aussi élaborer une méthode qui permette d'atteindre dans les faits les objectifs voulus. Le manque de cohérence dans l'organisation de l'administration fiscale provoque des surcoûts inutiles et une complexité excessive pour l'usager (I). La réforme qui doit être conduite doit s'attacher à placer l'usager (le particulier ou l'entreprise) au centre de sa problématique et également suivre une méthode qui tienne compte des résistances culturelles et syndicales (II).
[...] in Notre Etat, sdd. [...]
[...] - La Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI) n'est pas avant tout une administration fiscale. Elle a cependant la charge du recouvrement de la TVA sur les produits extra communautaires, de la TIPP, de contributions indirectes (tabac notamment) et de taxes diverses au profit des collectivités locales. Cette organisation entraîne un surcoût dans la collecte des impôts : Cette organisation, de même que le fonctionnement interne de ces directions provoque un surcoût pour l'Etat. Il est inévitable qu'une telle administration soit complexe, étant donné l'ampleur et la diversité de ses tâches ainsi que le nombre d'agents qu'elle emploie. [...]
[...] Une administration fiscale simplifiée : le projet d'interlocuteur unique. L'organisation actuelle de l'administration fiscale est pour une large part un héritage historique. Sous l'Ancien Régime, l'agent collecteur responsable d'une circonscription (le fermier général) se portait garant d'une somme déterminée vis-à-vis du Trésor. Il encaissait parfois davantage et conservait le surplus. Finalement, sous l'Empire (en 1805), on sépara les fonctions d'assiette et de recouvrement pour empêcher ce type d'abus. Cependant, cette distinction n'est plus justifiée et, comme on l'a vu, elle crée des complexités inutiles. [...]
[...] Ce défaut organisationnel et ce retard informatique expliquent également le retard pris par l'administration fiscale française. Par exemple, il y a très peu de centres d'appels et des procédures a priori simples (changement d'adresse, demande de délais de paiement) deviennent compliquées. La qualité de l'accueil et du conseil qui devrait remédier à la complexité vécue par l'usager est pourtant bien en deçà de ce qu'on est en droit d'attendre d'un organisme de services (Thierry Bert et Paul Champsaur). L'étude sur le taux d'efficacité des appels fait apparaître que 40% des appels ne sont pas décrochés. [...]
[...] Cette première réforme rend possible une modernisation de l'informatique de l'administration fiscale. Le contribuable serait placé au centre des systèmes d'information, alors que les systèmes actuels privilégient la gestion par impôt. Une seconde réforme de nature législative viserait à instaurer un système de retenue à la source pour l'IR, ce qui serait rendu possible à la fois par l'utilisation de l'identifiant unique et par l'informatisation des services. L'usager est dispensé d'effectuer le calcul de la somme due. Pour l'Etat, cela représente une économie : une grande partie des fonctions d'encaissement et de recouvrement seraient automatisées et le contrôle serait simplifié. [...]
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