La fiscalité constitue une technique, un instrument politique et administratif. Elle est aussi l'objet de débats doctrinaires et n'a pas été sans subir l'influence des idéologies, en particulier du libéralisme, du socialisme, ou du solidarisme. Ainsi, les doctrines et théories de l'impôt ont largement emprunté à ces idéologies et ont forgé diverses représentations de l'impôt. C'est le cas de ce que l'on qualifie d'utopies fiscales, c'est-à-dire un imaginaire fiscal qui tend à inventer un système contributif légitime et idéal. Si ces utopies s'inscrivent souvent dans le sens d'une contestation de l'impôt, elles peuvent aussi présenter des théories positives visant à définir un « bon impôt ». C'est le cas de la théorie de l'impôt unique. Il s'agit d'un impôt à taux unique qui se substitue à tous les autres, capable de couvrir l'ensemble des dépenses publiques, et qui s'applique à l'ensemble des revenus, quelle que soit leur provenance; il est acquitté par tout le monde au-delà d'un certain seuil. Cette proposition est motivée par un souci de simplicité, de clarté et de légitimation de l'impôt. Avec un tel système, chacun peut prévoir ce qu'il va payer, et tous les citoyens sont placés sur un pied d'égalité, ce qui semble conforme aux principes de consentement à l'impôt et d'égalité devant l'impôt.
Pourtant, la plupart des systèmes fiscaux sont caractérisés par des régimes d'imposition diversifiés et complexes, qu'il s'agisse de types de taxes, de règles de recouvrement ou d'exonération. Les impôts ont pour vocation de répondre à des besoins publics, eux-mêmes complexes, et de s'établir de plus en plus en instrument économique, si bien que les règles qui leur sont appliquées doivent être multipliées et souvent affinées. Dès lors, on assiste bien souvent à une multiplication des contributions, avec la création de la CSG ou de la CRDS par exemple, bien plus qu'à une unification de l'impôt. Ainsi, l'impôt sur le revenu créé en 1914 avait vocation à devenir un impôt unique et général: il est devenu un impôt parmi beaucoup d'autres, et son poids a reculé. Il semble donc y avoir une contradiction entre utopie et réalité fiscales. Néanmoins, l'impôt unique reste une revendication forte de certains courants libéraux de droite, mais aussi de mouvements de gauche, comme le Nouveau Parti Socialiste en France par exemple, et certains pays l'ont déjà mis en pratique (Etats baltes, Irak…) alors que d'autres songent sérieusement à le mettre en œuvre (Etats-Unis, Grande-Bretagne).
Dans ce contexte, on peut s'interroger sur les arguments des porteurs de cette idée ancienne et qui recouvre différents projets (I), et sur son avenir qui semble marqué par l'utopie (II).
[...] L'impôt unique est un impôt neutre. Il s'applique à l'ensemble des revenus nets et disponibles, sans préjugé de son emploi, si bien que les agents économiques restent libres d'agir selon leurs intérêts. La sécurité et la stabilité fiscales sont garanties. L'égalité des citoyens devant cet impôt et la largesse de sa base réduisent les particularismes qui font de la fiscalité un objet de positionnement économique et de stratégie d'évitement. La flat tax applique un taux égal à tous les revenus : elle est le contraire de la progressivité, c'est le choix de la stricte proportionnalité de l'impôt. [...]
[...] L'instauration d'un impôt unique constitue une révolution fiscale. En effet, la plupart des systèmes fiscaux sont caractérisés par une profusion de contributions directes et indirectes, héritées des réformes successives. Ce n'est pas un hasard si les pays qui appliquent un impôt unique sont des pays ayant subi de profondes et radicales mutations. C'est le cas de Hong Kong après la Deuxième Guerre mondiale, des pays de l'ex bloc soviétique dans les années 1990, ou encore de l'Irak après la guerre de 2003. [...]
[...] Mais à l'heure actuelle, où la création d'une fiscalité européenne est elle-même largement utopique, l'instauration d'un impôt unique à l'échelle communautaire paraît relever de la science-fiction. On parle d'un mythe de l'impôt unique Une résistance des systèmes fiscaux. La théorie de l'impôt unique est confrontée aux oppositions des systèmes fiscaux traditionnels. D'une part, elle fait face au fait que l'impôt est un instrument de politique économique, si bien que sa neutralité peut aussi apparaître comme un handicap. Ainsi, la politique fiscale, en jouant sur les exonérations, les assiettes ou les taux, peut relancer certains secteurs d'activité, ou bien favoriser certaines catégories de la population. [...]
[...] Cette théorie est porteuse d'une diversité de projets. Certains proposent un impôt unique sur la dépense globale. Ainsi, l'économisme travailliste N. Kaldor suggéra en 1995 un impôt annuel personnel et progressif sur les dépenses effectuées par les contribuables, qui se substituerait à l'impôt sur le revenu. Cela permettrait alors de favoriser l'épargne et donc les investissements et de réduire les inégalités de revenus de fait de son aspect progressif. De même en 1978, face à la situation anglaise d'évasion fiscale et aux trappes à pauvreté, J. [...]
[...] L'impôt unique La fiscalité constitue une technique, un instrument politique et administratif. Elle est aussi l'objet de débats doctrinaires et n'a pas été sans subir l'influence des idéologies, en particulier du libéralisme, du socialisme, ou du solidarisme. Ainsi, les doctrines et théories de l'impôt ont largement emprunté à ces idéologies et ont forgé diverses représentations de l'impôt. C'est le cas de ce que l'on qualifie d'utopies fiscales, c'est-à-dire un imaginaire fiscal qui tend à inventer un système contributif légitime et idéal. [...]
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