Un monde sans loi - Jean De Maillard

Résumé du document

La corruption n'est pas un phénomène nouveau. Dans toute société un tant soit peu organisée, on trouve des hommes ou des femmes prêts à vendre une parcelle de leur pouvoir ou de leur fonction.
Les formes de ce phénomène, en revanche, ont sensiblement évolué. Elles ont épousé la forme et l'orientation prises par nos sociétés modernes: la corruption devient un phénomène de masse, international et sophistiqué. Dès lors, elle n'en devient que plus difficile à cerner, plus invisible bien que plus grosse.
L'ouvrage de Jean de Maillard, magistrat à Blois, intitulé Un monde sans loi, tente de dresser un portrait concret, exhaustif et panoramique de la criminalité financière sous toutes ses formes.
L'auteur cherche essentiellement à répondre à deux interrogations majeures dans nos sociétés actuelles:
La délinquance économique est-elle un phénomène passager, appelé à se résorber de lui-même, ou bien l'émergence d'un Nouveau Monde, entièrement dominé par la loi du profit, quelle qu'en soit l'origine ?
La démocratie est-elle soluble dans la finance?

Extraits

[...] Ce principe, qui peut apparaître comme une évidence, était alors si peu respecté que c'est en ayant une épicerie de village comme façade que le cartel a été découvert. Ainsi, nous l'avons vu, la qualité d'un processus de blanchiment réside dans la sécurité, et pour le blanchisseur, et pour l'organisation. Il doit donc répondre en permanence à trois objectifs : permettre d'obtenir des fonds d'apparence légitime ; brouiller les pistes par rapport au moment de l'intégration ; garder une gestion des capitaux blanchis cohérente avec le train de vie officiel des membres du cartel. [...]

[...] La Mafia délaisse alors les activités délinquantes pour se tourner vers les ressources offertes par la société légale. Elle s'assure des relations au sein de l'appareil d'Etat, fait face à la concurrence, décroche de nouveaux marchés . Cette mafia devient assimilable à n'importe quelle entreprise. Plus ces organisations accèdent au sommet de la haute finance criminelle, et plus les frontières entre les activités légales et criminelles deviennent floues. Il y a une demande d'illégalité de la part de l'économie légale, et celle-ci offre très certainement à la mafia les perspectives économiques les plus rentables. [...]

[...] Ce type d'organisation est essentiellement valable pour les mafias en formation, qui sont à la recherche d'excellence. Une mafia en formation a besoin d'un environnement solide au sein d'une population. Elle doit se faire connaître des populations au sein desquelles elle vit, pour qu'on la craigne et qu'on sache ce qu'on lui doit. En effet, on peut voir dans les cités et les banlieues, des familles de trafiquants de drogues payer les loyers, les factures de gaz ou d'électricité de leurs voisins. [...]

[...] En effet, un charcutier aura du mal à justifier de plusieurs milliers d'euros sur son compte. Ce processus n'est donc valable qu'à une petite échelle, et en ne dépassant pas un certain seuil. Quand les volumes financiers sont trop importants, ils ne peuvent pas redescendre dans l'économie réelle et doivent rester dans la sphère financière. Les intérêts des placements permettent souvent d'assurer très largement le train de vie des parrains mafieux ou des dirigeants corrompus. Comme il existe une sphère financière complètement déconnectée de l'économie réelle, tout ce qui s'y passe échappe aux contrôles des juges et des policiers. [...]

[...] A côté, sont apparues les mafias de cadre, structurellement plus évoluées. D'envergure mondiale, elles requièrent une main-d'œuvre de qualité : les compétences nécessaires sont plus celles de chefs d'entreprise et de financiers que d'hommes de main. La deuxième évolution concerne la professionnalisation des activités, non seulement en termes d'efficacité, mais aussi de spécialisation. Cette tendance s'est imposée suite au maillage criminel plus fin, qui résulte de l'extension des phénomènes mafieux à tous les niveaux. Ainsi, en sus de structures toujours plus flexibles et décentralisées, les groupes acquièrent des spécialités de plus en plus étroites avec leurs compétences. [...]