Un tiers du patrimoine financier des ménages est aujourd'hui investi en assurance vie : finira-t-elle par faire mentir l'adage « res mobilis, res vilis » ?
A l'origine utilisée pour assurer la vie de l'équipage des navires, à l'époque des grandes conquêtes, l'assurance vie s'est banalisée au point d'être souscrite en-dehors de tout risque, comme un simple placement. Son histoire, récit d'une genèse contrariée notamment par les dogmes chrétiens (interdiction des spéculations sur sa mort, et plus encore sur celle d'autrui), a été bouleversée par l'instauration, par une loi du 1er mars 1951, des premiers avantages fiscaux pour les détenteurs d'assurance vie.
Ses aménagements successifs en ont fait le placement préféré des Français, qui en ignorent souvent le mécanisme.
Elle peut être définie comme un contrat souscrit auprès d'un assureur par lequel celui-ci s'oblige envers une personne (le souscripteur), moyennant le versement d'une prime, à payer un capital ou une rente viagère à l'assuré et, en cas de décès de celui-ci, à un tiers désigné (le bénéficiaire). Si elle semble mettre en jeu quatre personnes, la pratique bancaire et assurancielle a abouti, dans la majorité des cas, à une identification entre souscripteur, assuré et bénéficiaire en cas de vie, ce qui restreint en pratique le nombre d'acteurs à trois : le souscripteur, l'assureur, et le bénéficiaire (en cas de décès).
Elle met en jeu deux mécanismes qui en font un contrat complexe.
D'une part, quant à ses effets au cas de décès, elle s'analyse comme une stipulation pour autrui, un mécanisme connu du Code civil qui l'intègre en son article 1121. C'est la clause bénéficiaire, régie par des dispositions particulières du Code des Assurances.
En vertu de l'article L 132-8 du Code des assurances, « Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés » (alinéa 1er). L'alinéa 2 précise qu'il suffit que la personne soit suffisamment définie pour être identifiable au jour de l'exigibilité de la rente ou du capital En effet, la clause bénéficiaire
D'autre part, quant à ses effets au cas de vie, elle relève d'une simple opération de capitalisation, consistant en une remise de fonds à l'assureur pendant une certaine durée contre rémunération.
Cette mixité qui la soustrait pour partie aux dispositions du Code civil pour l'assujettir aux articles plus cléments du Code des assurances ajoute beaucoup à son attrait.
Avouons que les lois du droit des assurances ainsi que les lois fiscales se sont entendues à doter l'assurance vie d'un régime avantageux des deux points de vue.
Du point de vue civil, la disposition phare est l'article L. 132-12 du Code des Assurances. Aux termes de celle-ci, « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. »
Cela signifie qu'en principe, les capitaux décès portés au contrat échappent aux règles du droit des successions et, par conséquent, passent au bénéficiaire en exonération de droits (droits de mutation à titre gratuit).
Ce principe s'appliquait pleinement et sans exception aux premiers contrats d'assurance vie, avant que le législateur ne vienne restreindre sa portée.
A cet avantage prenant effet au décès s'ajoute un avantage profitant au souscripteur, pendant sa vie.
D'un point de vue fiscal en effet, le régime des rachats partiels a été aménagé de façon à faire supporter au souscripteur désireux de récupérer une partie de ses fonds une fiscalité réduite, dégressive au fil du temps.
Privilégié, le contrat d'assurance vie fait naître chez le législateur des aspirations contraires. L'Etat est tiraillé entre deux intérêts contraires : raboter les atouts d'un régime par trop avantageux et se passer d'une source de profits considérables, ou céder aux instances d'une corporation puissante en le maintenant intact.
Dans quel sens vont les dernières évolutions (de décembre 2007 à aujourd'hui) touchant au contrat d'assurance vie ?
On peut inscrire les évolutions récentes dans un mouvement de renforcement de l'encadrement normatif de l'assurance-vie. On constate un certain recul de la liberté dans le contrat d'assurance vie. Mais le prix à payer pour cette amélioration de la sécurité juridique est une moindre souplesse, et, partant, des avantages rognés.
Le législateur a initié ce mouvement, adoptant une loi visant à réglementer plus étroitement les modalités d'acceptation de la clause bénéficiaire du contrat. Tel sera l'objet de notre première partie, qui salue un meilleur encadrement du contrat d'assurance vie. (I)
La jurisprudence a discrètement emboîté le pas du législateur, interprétant plus strictement la qualification d'assurance-vie, avant que des voix ne s'élèvent au sein de l'administration fiscale pour suggérer de priver certains contrats d'assurance-vie de leurs avantages fiscaux.
Après l'encadrement amélioré du contrat, c'est à son recadrage que l'on assiste, ce que nous verrons dans une seconde partie. (II)
[...] II.- Tant que l'assuré et le stipulant sont en vie, l'acceptation est faite par un avenant signé de l'entreprise d'assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n'a alors d'effet à l'égard de l'entreprise d'assurance que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit. Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l'acceptation ne peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant est informé que le contrat d'assurance est conclu. [...]
[...] Ne reflètent-elles pas la nature mixte de l'assurance vie, pour partie opération de capitalisation et pour partie stipulation pour autrui ? Le régime qui s'applique en cas de vie autorise les rachats partiels, et celui qui s'applique au cas de décès confère au titulaire le droit de percevoir les capitaux décès pour ce qui reste. Leur application successive s'articulerait autour du décès, condition suspensive de la stipulation pour autrui, et condition résolutoire de l'opération de capitalisation. Cette analyse toutefois malmène les effets de la condition : le bénéficiaire serait considéré comme titulaire du droit rétroactivement au jour de la signature du contrat, ce qui remettrait en cause les rachats partiels réalisés par le souscripteur de son vivant. [...]
[...] On peut formuler deux remarques. D'une part, la qualification de cette assurance vie en donation indirecte est contestable juridiquement : l'acceptation de la bénéficiaire est intervenue après le décès du souscripteur, ce qui en ferait au mieux un legs. En l'espèce, les faits laissaient toutefois clairement apparaître l'intention libérale du souscripteur, ainsi que son abandon de fait à exercer sa faculté de rachat : il n'avait plus besoin de ces sommes, étant au seuil de la mort. D'autre part, quant à la portée à donner à cet arrêt, elle est limitée. [...]
[...] En effet, on distingue deux types de contrats : les premiers contrats étaient des monosupports ou encore contrats libellés en euros Comme leur nom l'indique, il s'agissait de contrats totalement et uniquement investis sur un seul support, sécuritaire. Essentiellement investis en obligations et produits de taux, leur composition permettait aux compagnies de garantir un rendement minimum. Un deuxième type de contrats, plus dynamique, est apparu. Ce sont les contrats multisupports appelés ainsi car, à côté des produits euros, ils comprennent une part de leur épargne investie en unités de compte c'est-à-dire en supports plus risqués, comme des actions, des parts de SICAV, ou encore des parts de Sociétés civiles de Placement Immobilier. [...]
[...] la rédaction par Serge Z le 22 août 1996, d'un testament instituant Mme Y . sa légataire universelle, l'établissement, le 26 août 1996, des avenants aux contrats d'assurance vie la désignant comme seule bénéficiaire de ceux-ci et l'absence de toute contrepartie à la souscription des contrats [ . ] ; qu'en raison de l'état de santé du souscripteur, touché par un cancer dont il se savait atteint depuis 1993 [ . avant la souscription des contrats d'assurance vie [ . [...]
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