Le « private equity » s'est récemment invité dans la presse généraliste avec la reprise en main d'entreprises très diverses, de la SNCM au club PSG, par des fonds d'investissement étrangers. Le terme désigne le secteur de l'investissement en capitaux propres (ou capital-investissement) opéré par des fonds spécialisés dans des entreprises non-cotées. Les firmes de private equity, ou private equity houses, récoltent des fonds à long terme auprès d'investisseurs institutionnels qu'ils rentabilisent en rachetant en partie ou en totalité des entreprises qu'ils espèrent revendre avec une plus-value au bout de quelques années (environ cinq à sept ans, durée variable selon les secteurs), après avoir accompli les restructurations nécessaires à de meilleures performances. La spécificité de cette activité financière repose d'une part sur le recours très important à la dette lors de l'acquisition, d'autre part sur le pari de dégager une forte rentabilité grâce à un nouveau management, afin d'honorer la dette contractée et de rentabiliser les fonds investis. D'où l'appellation fréquente de LBO (leveraged buy out) pour désigner le private equity, alors que ce secteur inclut aussi le capital-risque qui consiste à financer une jeune entreprise en manque de capitaux par un apport de fonds propres, souvent temporaire.
Considérées comme des raiders sans scrupules dans les années 1980 , les firmes de private equity sont devenues des acteurs installés du système, avec des noms prestigieux et de plus en plus connus comme KKR, Texas Pacific Group, Carlyle, Blackstone, Bain Capital. Ils se distinguent nettement des hedge funds (fonds spéculatifs) qui ne gèrent que de participations réduites dans des sociétés cotées, visant à anticiper les évolutions des marchés financiers à court terme. Le private equity constitue une source de financement du secteur non-coté ; on peut dès lors le concevoir comme un moyen de financement alternatif au marché financier qui est censé assurer une baisse optimale du coût du capital. Certains vont jusqu'à sacrer les professionnels du private equity « rois du capitalisme », succédant ainsi aux banquiers d'affaires qui réalisaient les introductions en bourse (initial public offerings, IPO) à la fin des années 1990 .
Le succès du private equity nous interroge sur la capacité à assurer un financement des entreprises plus optimal sans passer par le marché financier. Cette possibilité, si elle se confirmait, constituerait un changement majeur pour le capitalisme financier qui s'est bâti autour du standard de l'entreprise cotée. Nous allons donc voir dans quelle mesure le private equity peut être considéré comme une alternative viable au financement par le marché.
Nous commencerons par nous intéresser aux performances respectives du financement par le private equity et par les IPO et à leur place dans la finance mondiale aujourd'hui. Puis nous verrons que les deux marchés sont étroitement interdépendants et répondent toujours à la même logique du capitalisme financier.
[...] CONCLUSION A l'issue de ce travail, nous pouvons dire que le private equity constitue un formidable outil d'extension des opportunités de financement des entreprises, plus qu'une alternative aux marchés. Sur le long terme, le private equity ne peut prospérer sans un marché financier sain et porteur. Comme le dit Michael C. Jensen, le private equity, c'est l'atelier de réparation des entreprises : on peut en déduire que c'est une opportunité ouverte à toutes les entreprises, mais aussi que ce n'est qu'un état transitoire, la norme restant de nos jours la société cotée. [...]
[...] Les atouts du private equity par rapport au financement par le marché L'actuel succès du private equity est vu par certains comme une consécration pour Michael C. Jensen, le célèbre théoricien de la relation d'agence entre managers et actionnaires dans l'entreprise. En 1989, dans un article intitulé L'éclipse de la société cotée[23] il prenait acte de l'émergence et des premiers succès des fonds de LBO et prévoyait une transformation majeure du capitalisme marqué par le déclin du standard de l'entreprise cotée et l'expansion de ce que l'on nomme depuis le private equity comme source alternative de financement. [...]
[...] Les hedge funds en particulier, à la recherche d'une rentabilité à court terme, peuvent être à l'origine d'une focalisation sur le court terme, aux dépens des projets de long terme de l'entreprise. Plus généralement, un entrepreneur peut avoir du mal à adopter la vision et la logique des marchés, ainsi que la concurrence constante avec d'autres valeurs cotées plus performantes. L'introduction en bourse n'est donc pas qu'une opération ponctuelle de levée de fonds. Etre coté a un prix structurel et toutes les entreprises ne sont pas prêtes à le supporter. [...]
[...] Le coût de cette inefficience est représenté par la hausse boursière du premier jour de cotation qui correspond à de la richesse perdue pour la firme, car un prix plus élevé lui aurait permis de s'accaparer ces gains. On parle d'argent laissé sur la table (left on the table), plus précisément aux mains des vendeurs du premier jour de cotation, sélectionnés par la banque d'affaires qui coordonne l'opération. C'est de cette dernière que relève la fixation du prix dans le cadre de la méthode la plus courante d'introduction en bourse, celle du book building : en clair, la banque s'informe sur les conditions du marché, contacte les investisseurs institutionnels susceptibles d'être intéressés, organise des réunions de promotion (road shows) et finit par déterminer un prix qui permet d'allouer les actions à émettre. [...]
[...] Dès lors que l'industrie du private equity atteint de telles dimensions et cette rentabilité, on pourrait penser qu'elle est devenue une alternative au financement par le marché, et notamment aux introductions en bourse (IPO) qui ont explosé au cours du boom high tech des années 1990 et 2000. Pourtant, le secteur des IPO se porte tout aussi bien La bonne tenue du secteur coté : les performances des IPO Les introductions en bourse ont été un des corollaires de la bulle high tech autour de l'an 2000. [...]
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