En 1953, sur une décision du Cheikh Abdullah Al-Sabah d'affecter une partie des revenus pétroliers du Koweït à un fonds autonome, Le Kuwait Investment Authority fut créé. L'idée était de concevoir un fonds spécialisé dans l'investissement de long terme, chargé de diversifier les sources de revenus du pays et de préparer l'après-pétrole. 10% des revenus pétroliers du Koweït sont depuis alloués chaque année à ce fonds souverain, qui est historiquement le premier au monde à avoir vu le jour. Aujourd'hui, le Sovereign Wealth Funds Institute en recense plus d'une quarantaine.
Les fonds souverains (Sovereign Wealth Funds en anglais) sont en fait des institutions financières publiques, alimentées par l'épargne nationale ; la montée en flèche du prix des matières premières, depuis les années 1990, et celle des excédents des balances courantes de nombreux pays d'Asie, expliquent en grande partie l'explosion récente de leur nombre, et de leur puissance financière.
Pourtant, il a fallu attendre que la crise financière, commencée en 2007, avec les défauts de paiement des ménages américains ayant souscrit des crédits subprime, se propage à l'ensemble du système financier mondial, jusqu'à complète dévalorisation d'actifs des institutions financières les mieux installées, pour que l'attention se tourne vers ces fonds. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils sont intervenus, comme des « acheteurs en dernier ressort », dans nombre de sociétés en difficultés : là où aucun organisme privé n'aurait envisagé apporter de la liquidité, eux l'ont fait.
Dès lors, les médias (et certains politiques) ont pris possession du sujet ; et tout a été dit. Tantôt « sauveurs du capitalisme », tantôt dangereux prédateurs, n'agissant qu'à des fins politiques, les fonds souverains sont, depuis, au centre de l'attention.
Nous essaierons, au long de ce dossier, de mieux faire leur connaissance. Plus précisément, nous tâcherons de présenter comment la crise a été l'occasion, pour eux, de montrer qu'ils sont devenus de nouveaux acteurs majeurs de la scène financière internationale.
[...] Mais il nous faut d'abord rappeler que ce débat a été amorcé par une série d'investissements publics controversés, commencée en 2005 et qui, loin s'en faut, ne concernaient pas toujours des fonds souverains. Nous reprenons ici quelques exemples de la liste établie par Demarolle et Johanet[9]. -En 2005, l'entreprise publique CNOOC (Chine) visait le contrôle de l'entreprise américaine pétrolière UNOCAL et a dû y renoncer suite à la pression de la Chambre des Représentants, qui craignait que cette opération soit une menace pour la sécurité nationale. Le groupe a finalement été repris par son compatriote ChevronTexaco. [...]
[...] Ils ont donc naturellement été affectés par le plongeon des bourses ; mais ils ont continué de bénéficier de leurs diverses ressources : rente des matières premières (malgré la chute du cours du pétrole) et revenus obligataires notamment. De même, on doit rappeler quelques caractéristiques des fonds souverains, qui les mettent dans une position relativement confortable face à la crise. A commencer par leur absence d'endettement : ils n'utilisent en effet pas (ou très peu) l'effet de levier, ce qui, contrairement aux fonds privés, les a mis complètement à l'abri lorsque les banques ont fermé le robinet du crédit. [...]
[...] A double titre au moins, il convient donc d'en établir un classement, afin de les distinguer un minimum les uns des autres. Nous prendrons pour critères le montant des actifs gérés, le degré de transparence et la stratégie d'investissement. Notons que dans la suite de ce dossier, presque tous les montants d'actifs sous gestion détenus par des fonds souverains qui seront mentionnés sont des estimations, les gouvernements ne communiquant que très peu –voire pas du tout- sur la question. L'annexe 3 nous permet de voir que les 10 premiers fonds, en termes d'actifs sous contrôle, détiennent près de 80% du total des actifs gérés par les fonds souverains : on assiste donc à une forte concentration de la richesse. [...]
[...] Ces fonds ont donc indiscutablement acquis un poids économique non négligeable. A nuancer cependant. L'annexe 7 est une comparaison des différentes classes d'investisseurs selon le montant des actifs gérés. On s'aperçoit que si la richesse des fonds souverains est supérieure à celle, cumulée, des hedge funds et des fonds de private equity, elle est cependant bien en deçà de celle des compagnies d'assurance (19000 milliards) ou des fonds de pension (28000 milliards) par exemple. Mais il est vrai que ces chiffres évoluent très vite. [...]
[...] Il faut donc croire que c'est cette puissance de feu nouvellement et brusquement acquise qui rend désormais ces établissements dignes d'intérêt aux yeux des observateurs . et particulièrement lorsqu'ils s'en servent ! On a parfois l'impression d'avoir entendu parler de fonds souverains pour la première fois lorsque Temasek, le fonds singapourien, avait recapitalisé la banque britannique Barclays, le 25 juillet 2007, à hauteur de 1 milliard de livres sterling. C'était la première intervention d'un de ces fonds dans la crise. Depuis, que de dépêches, articles, rapports, études diverses sur ces étranges investisseurs. [...]
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