Aujourd'hui, l'information comptable ne repose donc plus sur la notion de coût historique, mais sur celle de juste valeur. Les défenseurs de ce principe reprochent à la comptabilité en coût historique son incapacité à traduire la réalité économique du patrimoine de l'entreprise et sa myopie à l'égard des marchés financiers. La juste valeur propose une approche dite de « substance over form », c'est-à-dire la prééminence de la réalité économique sur la forme juridique.
Mais ces normes IAS/IFRS et leur nouvelle approche en juste valeur, censée protéger le monde des scandales financiers, sont aujourd'hui pointées du doigt en tant que responsable de l'actuelle crise financière. C'est par exemple le cas de Martin Sullivan (ex-PDG d'AIG) et Henri de Castries (PDG d'AXA) qui estiment que l'application de la norme IFRS 7 (Instruments financiers - informations à fournir) et l'IAS 39 (Instruments financiers - comptabilisation et évaluation) seraient à l'origine des importantes dépréciations constatées par les sociétés menacées de faillite.
Cependant, Walace (2008) nous rappelle que l'usage de la juste valeur a permis de faire connaître les pertes plus tôt lors de la crise actuelle. Ce qui signifie que l'on pourra trouver des solutions au problème plus rapidement. Ainsi, si les banques n'avaient pas utilisé la juste valeur, on peut penser que le problème ne serait apparu que dans quelques années, mais avec une plus grande ampleur.
Les défenseurs de la comptabilité en coût historique reprochent à la juste valeur d'introduire de l'incertitude et de la volatilité dans les comptes des entreprises. Par son traitement symétrique des pertes et gains potentiels, la juste valeur semble ignorer le principe de prudence qui prévalait jusqu'alors et qui se caractérisait par une reconnaissance des moins-values latentes via les provisions, mais qui n'enregistrait pas les plus-values latentes parfois illusoires.
La juste valeur est un concept qui pose un problème assez complexe de valorisation, en particulier en l'absence de marché ou lorsque celui-ci devient inactif. Cet inconvénient a été l'une des causes du discrédit de la juste valeur. Mais de nombreuses autres critiques sont soulevées, par exemple l'effet de procyclicité engendré par la juste valeur.
Au vu des nombreuses critiques qui lui sont adressées, on peut donc se demander quel a été le rôle de l'introduction de la juste valeur dans la récente crise financière.
[...] Historiquement, la comptabilité était un moyen pour les actionnaires de maîtriser l'organisation dont ils avaient confié la gestion aux dirigeants. On pourrait dire que la comptabilité était un coût d'agence. D'après la théorie de l'agence, le soupçon d'opportunisme va conduire les partenaires de la relation à se contrôler mutuellement, d'où l'apparition de coûts monétaires et non monétaires appelés coûts d'agence. Ceux-ci sont essentiellement constitués des coûts de surveillance engagés par le principal, et de coûts d'obligation engagés par l'agent pour montrer au principal que les actions sont bien conformes à ce qui avait été initialement prévu. [...]
[...] Les institutions financières détiennent un portefeuille de créances de bonne et de mauvaise qualité, mais on ne peut pas les distinguer de l'extérieur. Lorsqu'on met les créances sur un marché, il y aura une incertitude sur la qualité des créances qui conduira à un assèchement du marché, car les acheteurs ne veulent pas prendre le risque de payer cher une créance de mauvaise qualité et les vendeurs ne veulent pas vendre à prix cassé des créances qu'ils savent de bonne qualité. Il y a donc une réelle nécessité de transparence pour le bon fonctionnement des marchés. [...]
[...] Cette dégradation de la notation s'est aussi répercutée sur le ratio de solvabilité des institutions financières qui prend en compte le risque. Les banques se sont donc trouvées dans une situation où leurs fonds propres étaient dégradés et où leurs besoins en fonds propres s'accroissaient du fait de la dégradation du ratio de solvabilité par une augmentation du risque. Pour pallier à ce problème de solvabilité, la vente de quelques actifs aurait pu suffire. Mais dans ce climat de perte de confiance, les prix des actifs étaient en chute libre et la vente de ceux-ci, à bas prix, a entraîné les institutions financières dans un cercle vicieux de dépréciations-ventes La juste valeur, un faux coupable ? [...]
[...] Or cette méthode de valorisation n'est qu'un aspect de la juste valeur qui peut aussi être évaluée sur la base de modélisations. L'IASB préconise la modélisation dans le cas où le marché n'est plus suffisamment liquide, mais ne précise pas ce qu'il entend par marché actif Notons aussi que dans le contexte actuel la valeur de marché est une valeur de liquidation. Or selon l'IASB, la juste valeur ne doit pas être une valeur contrainte puisqu'elle reflète le montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes, et agissant dans des conditions de concurrence normale De plus, Gélard (2008) nous rappelle que, contrairement à une idée reçue, la grande majorité des prêts et créances détenues par les institutions financières (entre 50 et est comptabilisés au coût historique, celui- ci étant éventuellement déprécié si la valeur d'un instrument est inférieure à ce coût. [...]
[...] Au vu des nombreuses critiques qui lui sont adressées, on peut donc se demander quel a été le rôle de l'introduction de la juste valeur dans la récente crise financière. Pour répondre à cette question, il convient de comprendre les différents mécanismes qui ont conduit à cette situation de crise, mais aussi de s'interroger sur le rôle de la comptabilité et la place de la juste valeur dans notre société. Nous étudierons en particulier les facteurs d'émergence du concept de juste valeur et les problèmes que pose sa détermination. [...]
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