La sophistication des financements au cours des dernières décennies s'est manifestée par une utilisation croissante d'instruments financiers complexes, rendant floue la distinction entre dette et capitaux propres. Les titres financiers hybrides sont la meilleure illustration de cette évolution. On peut considérer leur essor comme une conséquence du recours plus fréquent à la dette, qui n'est plus un moyen de financement résiduel (intervenant en cas d'insuffisance des capitaux propres) mais bien un choix d'opportunité visant à optimiser la structure financière de l'entreprise. La mobilisation active de la dette a, en effet, permis d'augmenter la rentabilité des capitaux propres, mais aussi le risque supporté par les actionnaires. D'où la recherche d'instruments mixtes – hybrides – qui puissent combiner les avantages des deux sources de financements que sont les capitaux propres et la dette.
Avec l'utilisation de ces titres hybrides s'est posée la question de leur assimilation, partielle ou totale, à des fonds propres (equity) pour l'analyse de la structure financière de l'entreprise et le calcul des ratios de solvabilité. Les agences de rating, qui mesurent la qualité des émissions de dette des entreprises, s'appliquent donc à qualifier – créditer – une partie de ces titres de la qualité d'equity, c'est-à-dire remplissant les mêmes propriétés que les capitaux propres : c'est ce que l'on appelle l'equity credit. La partie résiduelle, un moins l'equity credit, est quant à elle reclassée avec les dettes. Pour comprendre l'utilité de l'equity credit tel qu'il est pratiqué par les agences de notation financière, nous devons comprendre la logique des instruments de financement hybrides qui explique leur existence et leur succès.
Nous commencerons par présenter l'intérêt du financement par des titres hybrides pour les entreprises et les investisseurs (I), avant de nous intéresser à la pratique de l'equity credit qui relève de l'activité des agences de rating (II).
[...] Tout titre de dette dont les intérêts peuvent être suspendus par l'entreprise en cas de difficultés se rapproche fortement des actions ordinaires, d'où l'attribution d'equity credit. S&P estime que l'entreprise doit pouvoir suspendre ses versements pour 5 à 6 ans ; au-delà, les chances de rétablissement deviennent minimes donc tout délai de suspension supérieur est sans importance. La conditionnalité de la suspension est secondaire : si les versements d'intérêts sont suspendus après le non versement de dividendes, l'agence ne juge pas cette flexibilité suffisante car un dividende minime oblige l'entreprise à payer les charges de ses titres hybrides. [...]
[...] Notons bien que ces reclassements n'ont de valeur qu'analytique, effectués par les agences pour le compte des entreprises afin d'orienter les investisseurs, sans aucune implication comptable ou fiscale. La dénomination de l'instrument hybride en termes de dette ou action conserve une certaine importance : quand bien même chaque titre est jugé en fonction de ses propriétés propres qui le rapprochent ou non des caractéristiques des capitaux propres, la dénomination conserve un rôle important pour les investisseurs qui fondent dessus leurs premières impressions quant à la nature des titres émis. [...]
[...] A l'inverse, un instrument ne partageant avec les fonds propres que la condition de subordination par rapport aux autres créances, sans flexibilité des remboursements et maturité élevée, sera assimilé aisément à une dette. Enfin, la permanence du financement est jugée de façon pragmatique, au cas par cas. Il ne faut pas se fier aux apparences : les actions de préférence ont l'apparence de titres de capital mais en réalité sont vouées à être rachetées par l'entreprise dans un délai relativement court du fait de la pression des marchés qui n'aiment pas ces titres et leur imposent une décote conséquente. [...]
[...] Quelques illustrations d'attribution d'equity credit : On peut citer des exemples à partir des titres présentés plus haut. Ainsi, les ORA et autres titres à conversion obligatoire sont souvent considérés comme des fonds propres puisque, d'une part, aucun paiement en liquide n'intervient à l'échéance, d'autre part du fait du mécanisme de conversion obligatoire. On peut citer l'exemple de l'agence de notation des compagnies d'assurance A.M. Best qui attribue un equity credit de 100% aux ORA à moins de 2 ans de leur échéance et de 75% si la maturité est entre 2 et 5 ans. [...]
[...] Au-delà des méthodologies, différentes pour chaque agence, la même logique sous-tend le raisonnement en la matière. S&P classe les titres hybrides en 3 catégories : les titres à faible contenu d'equity (fonds propres), caractérisés par une faible permanence des capitaux et une flexibilité des paiements restreinte pour l'entreprise ; les titres à contenu d'equity intermédiaire : il s'agit notamment des actions de préférence et autres hybrides avec une maturité d'environ 30 ans et une possibilité de suspension des paiements de 5 ans ; les titres à fort contenu d'equity comprennent souvent un élément obligatoire, que ce soit la conversion à l'échéance (en actions) ou la suspension des paiements (rendue possible dès la réalisation de certaines conditions pas trop exigeantes). [...]
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