La micro-finance n'est pas le remède à tous les maux sociaux, elle peut même constituer un danger en suscitant des effets d'aubaine, c'est-à-dire en aidant des micro-entreprises qui pourraient être lancées ou survivre sans financement extérieur et dont la trajectoire aurait été la même en l'absence d'aides publiques. Soulignons que le support public des institutions de micro-finance demeure essentiel aujourd'hui à leur survie en Europe occidentale et en Amérique du Nord.
Selon une étude de Bernard Gazier, l'effet d'aubaine en matière d'aide publique aux PME serait de 80% en France. Toutefois, il est essentiel de nuancer ce résultat : si le soutien financier n'est pas toujours l'élément déclencheur, il permet une création dans de meilleures conditions et optimise ainsi le taux de survie des entreprises soutenues. C'est pour cette raison que selon Duggan et Kearney, une évaluation de la valeur ajoutée procurée par les institutions de micro-finance pour les micro-entreprises serait plus judicieuse que de mesurer l'effet d'aubaine, comme le fit Gazier pour la France.
Dans les pays du Sud et au Nord, la micro-finance est apparue en réponse aux carences du marché. Certains facteurs tels que le nouveau cadre régulatoire défini par le comité de Bâle et la concentration bancaire ont provoqué une préoccupation grandissante en matière de difficultés de financement des micro-entreprises. La demande non satisfaite de crédit en provenance des micro-entreprises suggère donc qu'il existe une niche pour des institutions s'adressant aux micro-entrepreneurs. Et cela, même en Europe occidentale et en Amérique du Nord où les marchés financiers sont beaucoup plus développés qu'au Sud.
[...] C'est dans ce contexte de recherche d'une société alternative et d'un nouveau modèle économique, que serait née la micro-finance en Europe occidentale et en Amérique du Nord pour S. Johnson. Comme évoqué plus tôt, les difficultés de financement des micro- entrepreneurs, ayant donné place à des initiatives de micro-finance dans nos contrées, résultent de l'intensification de la concurrence et de la recherche de la profitabilité maximale dans le secteur bancaire. Cet objectif a engendré une concentration du secteur bancaire et provoqué la fermeture d'une grande partie des agences locales. [...]
[...] Cette critique a amené l'Europe à une volonté de bâtir un nouveau système bancaire, orienté social, avec des nouvelles valeurs : du respect de l'environnement à la lutte contre l'exclusion sociale en passant par une volonté de favoriser une plus grande coopération et une plus grande coordination. Ces nouvelles valeurs mèneront à un bénéfice mutuel plus important entre agents économiques (Putnam, 1993). La micro-finance s'insère dans ce cadre idéologique en offrant des services aux membres de la société occidentale qui ont été exclus financièrement et qui seront bientôt réinsérés socialement grâce à cet outil. Il y a une volonté évidente de faire primer les personnes sur le capital et le profit. [...]
[...] Il est donc essentiel de garder à l'esprit que la nature financière des activités de micro-finance doit être respectée et un degré élevé de rentabilité opérationnelle doit être assuré. En outre, ces subventions étatiques ne doivent pas servir à pratiquer des taux d'intérêt trop bas ou permettre des conditions de remboursement laxistes. En Europe occidentale, les initiatives de micro-finance, qui ont une finalité sociale certaine, doivent être vues comme un instrument d'une politique active de l'emploi et de promotion de l'entreprenariat, ce qui rappelons-le, entraînera in fine une amélioration de la compétitivité et une plus grande cohésion sociale. [...]
[...] Dans cette optique, les initiatives de la micro-finance représentent une lutte contre la persistance et le renforcement du secteur informel qui est, selon B. Lautier (1991), P. Connoly (1985) et R. Pearson (1998), une source de concurrence illégale de la part des micro-entreprises non déclarées, de perte de rentrées fiscales et sociales, et enfin, de vulnérabilité des travailleurs illégaux non protégés. En bref, en Europe de l'Ouest, les initiatives de micro-finance servent à promouvoir l'entreprenariat et ainsi assurer une plus grande cohésion sociale compatible avec la nécessité de compétitivité. [...]
[...] Cette perte d'information engendrerait un rationnement de crédit de la part des institutions de micro-finance dans la mesure où elles ne pourraient distinguer les bons des mauvais emprunteurs. A nouveau, on se retrouverait dans une situation où la demande des micro- entreprises serait insatisfaite. Les lacunes du marché ne seraient pas comblées, l'entreprenariat ne serait pas encouragé ; il en résulte que cette nouvelle politique active de l'emploi, représentée par les initiatives de micro-finance, ne remplirait plus les objectifs évoqués plus haut. [...]
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