Un enfant handicapé peut -il mettre en cause la responsabilité du médecin qui a commis une faute dans la surveillance de la grossesse de la mère, la privant de la possibilité de recourir à l'interruption thérapeutique de grossesse? Peut-il se plaindre d'être infirme au lieu de n'être pas né? C'est le difficile problème de droit auquel l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 17 novembre 2000, l'arrêt Perruche, a tenté de répondre.
En 1982, Mme Perruche, qui est enceinte, présente, comme sa fille de quatre ans, des symptômes faisant penser à une rubéole. Vu la gravité des conséquences possibles pour le fœtus, le médecin fait procéder à des tests sanguins, mais suite à une erreur du laboratoire, elle est considérée comme immunisée contre l'infection. Elle poursuit donc sa grossesse alors qu'elle avait indiqué à son médecin qu'en cas de résultat positif aux tests elle souhaitait procéder à une interruption médicale de grossesse. Quelques mois après la naissance, le 13 janvier 1983, Nicolas présente des symptômes qu'un expert attribue à la rubéole non détectée: graves troubles neurologiques et visuels, surdité, et problèmes au cœur. La famille débute alors une procédure visant à engager la responsabilité du médecin et du laboratoire.
Celle-ci se termine lorsque la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, s'oppose à l'avis du Comité Consultatif national d'éthique et casse pour la seconde fois l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans (qui avait refusé d'indemniser l'enfant, retenant qu'il ne subit pas un préjudice dû aux fautes commises par les professionnels et indiquant qu'un être humain n'est pas titulaire du droit « de naître ou de ne pas naître, de vivre ou de ne pas vivre »). Elle s'appuie ainsi, sur le fait que « les fautes du médecin et du laboratoire ayant empêché Mme P. d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap ». C'est cette décision qui déclencha une tempête médiatique et politique autour de la question centrale : y a-t-il un droit de l'enfant handicapé à ne pas naître ?
[...] Et comment consacrer un droit qui ne peut servir qu'à la disparition de l'enfant ? 2. L'arrêt transforme l'obligation de moyens qui lie les médecins en une obligation de résultat Les fautes ne sont donc point causales, car, sans elles, le handicap, dont l'enfant obtient ici l'indemnisation, ne pouvait pas être évité. En effet, même si le laboratoire avait diagnostiqué la rubéole de sa mère et si le médecin avait correctement exécuté son obligation d'information, l'enfant aurait quand même était atteint du handicap dont il souffre. [...]
[...] Or, la règle change si l'enfant naît handicapé. Ainsi, lorsque la prescription d'un examen médical était de nature à empêcher la réalisation d'un dommage, son absence génère un préjudice consistant dans la perte d'une chance d'éviter ledit dommage. La perte de possibilité pour la mère de recourir à une IVG justifie donc d'un préjudice indemnisable dès lors que l'enfant est né handicapé. La Première Chambre civile a abondé dans ce sens par un arrêt du 16 juillet 1991: en l'espèce, un médecin avait omis, lors d'un examen prénuptial, de prescrire à la femme l'examen sérologique de la rubéole, pourtant obligatoire; or, l'enfant était né avec de grave séquelles liées à la maladie de la mère. [...]
[...] Là est le véritable cœur de la difficulté. La Cour justifie sa décision d'indemniser l'enfant au titre du préjudice subi du fait de sa naissance handicapée par le souci de soulager les charges et les souffrances liées à son handicap. Elle considère que le préjudice subi n'est pas la naissance et la vie même de l'enfant, mais celui qui résulte du handicap. Dans cette mesure, le véritable respect de la personne humaine ne doit pas se fonder sur un raisonnement abstrait mais sur le souci de soulager les souffrances de l'enfant. [...]
[...] Etre ou ne pas naître ? Telle n'est pas la question! - Indemnisation d'une existence handicapée qui, selon le choix de la mère, n'aurait pas être : J.L . Aubert, Dalloz 2001, Chr. p.489 Préjudice de l'enfant né handicapé : la plainte de Job devant la Cour de Cassation : L. Aynès, Dalloz2001, Chr. p.492 "Les distances du juge" à propos d'un débat éthique sur la responsabilité civile : P.Y. [...]
[...] En effet, la CEDH a condamné la France le 31 août 2005 dans les deux affaires Draon c. France et Maurice contre France à propos de la légalité de la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 en s'appuyant sur l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Bibliographie Bulletin d'information n°526 du 15/12/2000 : Arrêt du 17 novembre 2000, Rapport de M. Sargos, Conseiller rapporteur et conclusions de M. Sainte-Rose, Avocat général . [...]
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