Dans l'Homme révolté, Albert Camus affirme que « le dialogue, relation entre deux personnes, a été remplacé par la propagande et la polémique, qui sont deux sortes de monologues » (L'Homme révolté, Camus, 1951). Cette conception, en renvoyant dos à dos deux formes de communication unilatérales, rappelle qu'une communication réussie suppose un acte d'échange entre deux personnes ou entités indépendantes
[...] Bien que le contenu de cette propagande diffère selon que l'on se trouve en démocratie ou en dictature, il n'en reste pas moins qu'elle recourt aux mêmes présupposés : la propagande affirme tenir un discours de vérité, en présupposant que ses contradicteurs éventuels seraient de mauvaise foi. En cela, la communication publique constitue une parole particulière du fait de la nature politique de son contenu. Car à la différence d'une personne privée, d'une entreprise ou d'une ONG, le gouvernement dispose par définition de moyens de coercition qui modifient le schéma classique de la communication. [...]
[...] Sous De Gaulle, au lendemain de la guerre, le Gouvernement français comptait encore un ministère de l'Information, qui s'était appelé explicitement ministère de la Propagande durant le second gouvernement Blum en 1938. Dans une société où l'accès à l'information vaut souvent pouvoir, la mise en circulation d'informations constitue une garantie encore supérieure de maîtrise politique du cours des événements. Si l'objet de la communication est de diffuser un message, dès lors tout ce qui concourt à sa bonne compréhension doit en théorie être encouragé. [...]
[...] Sur l'affiche « Le maréchal a dit, le maréchal a fait », la logique de communication est articulée au tour de la preuve par les faits. C'est cette adéquation entre la parole et les acte qui est supposée créer l'adhésion. Par ailleurs, l'incrustation d'un portrait du maréchal au-dessus des deux colonnes de textes, elles-mêmes située sur un fond aux couleurs du drapeau français participe au développement d'une mythologie nationale séductrice. Pourtant, l'information diffusée dans ce cadre ne présente que très rarement des reculs ou des nuances : les données sélectionnées, les formules employées et les conclusions concourent toutes à faire la promotion unilatérale de l'action politique. [...]
[...] En cela, l'enjeu de la communication n'est rien de moins que la conservation du pouvoir. Qu'elle se fasse par le biais démocratique via la tenue d'élections libres ou par des moyens coercitifs dans les régimes autoritaires, la maîtrise de la diffusion et plus encore de la réception de l'information est une étape décisive au maintien du pouvoir en place. C'est la raison pour laquelle la question de la crédibilité de la parole publique constitue un enjeu si prégnant de l'actualité politique contemporaine : elle constitue la pierre angulaire du système de libre détermination des individus, système qui constitue lui-même le fondement du régime démocratique. [...]
[...] En attestent notamment des phénomènes sociaux tels que les batailles d'experts et d'études sur les plateaux télévisées, la multiplication des théories du complot, et bien entendu la montée de partis politiques remettant en question la pertinence politique du régime de démocratie libérale. En d'autres termes, la communication n'est plus aujourd'hui seulement un moyen d'information, elle est une façon de mesurer, via sa réception, l'enracinement et la popularité d'un régime politique. Il existe donc un lien étroit entre la possibilité d'établir un dialogue, même indirect, entre la puissance publique communicante et les contre-pouvoirs chargés de corriger, au besoin, le discours de l'exécutif. On peut penser que cette configuration favorise une certaine dialectique qui empêche la communication de se muer en propagande. [...]
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