Gustave Flaubert est, avec Balzac, Stendhal, Maupassant, entre autres de langue française, l'un des pères du roman réaliste, corrélat littéraire de la bourgeoisie comme nouvelle classe dominante d'une société en voie de prolétarisation. De ce point de vue, induit tant par son intelligence que par son angoisse artistique -la conviction qu'il n'a plus l'énergie pour affronter un roman comme Madame Bovary- et économique, Flaubert pressent les dangers qui pèsent sur un monde où l'économie et l'efficacité anesthésient les sens au profit de la mécanique du succès et du profit matériel.


Un coeur simple

L'action du premier des récits, Un coeur simple, se déroule dans les années contemporaines de Flaubert lui-même (deuxième moitié du XIXe siècle) et montre certains traits du réalisme social, traités de manière émotionnelle en la personne d'un serviteur de la France provinciale. L'auteur lui attribue le nom de Félicité, dans une claire allusion sarcastique à sa malheureuse vie personnelle. La jeune fille sert dans la maison des Aubain, une famille bourgeoise aux ressources financières limitées, qui a une bonne comme forme extérieure de maintien de sa position sociale. Personne ne s'occupe de Félicité, sauf pour exiger qu'elle remplisse ses devoirs, comme un simple instrument fonctionnel dépourvu de dimension affective, malgré la force morale et les nobles sentiments dans lesquels la jeune femme se montre supérieure à la froideur de ses « maîtres » prétentieux.


La légende de Saint Julien l'Hospitalier

Le second récit, La légende de Saint-Julien l'Hospitalier, traite d'un tout autre sujet, situé d'ailleurs de façon indéterminée dans un Moyen Âge mythique, dans les domaines d'un seigneur féodal d'un certain rang. Après une longue attente, un enfant naît au sein du couple qui, selon les prévisions, atteindra la sainteté. Eduqué aux arts de la chasse, l'enfant devient, avec les années, un être cruel qui aime faire souffrir les animaux, et finit par quitter la maison de son père pour vivre une vie d'aventure qui l'éloigne des prédictions de sainteté. Il s'agit d'une légende médiévale recréée qui mélange le fantastique et la réalité et dans laquelle, malgré le côté maléfique du protagoniste, la possibilité de rédemption est toujours sauvegardée, grâce à l'affection et à la fidélité de ses proches qui ont toujours accompagné les aventures du personnage central.


Hérodias

La troisième histoire, Hérodias, s'inspire du passage du Nouveau Testament qui raconte l'épisode dramatique du martyre de Saint Jean-Baptiste commandé par Hérode lors d'une fête à l'occasion de son anniversaire. La danse de Salomé et les intrigues de sa mère, Hérodias, l'atmosphère corrompue et dégradée de la cour, qui comprend des autorités romaines et israélites, éveillent l'imagination de Flaubert et lui permettent de dessiner les profils d'un drame d'une grande force expressive, que l'auteur résout de façon magistrale du point de vue littéraire, sans oublier son arrière-plan moral et religieux.

Les Trois Contes apparaissent ainsi comme des voyages spirituels qui revendiquent la nécessité de se reconnaître dans l'autre - Madame Aubain dans Félicité, Julien dans ses parents et dans la nature, Hérode à Jaocanán, Jean-Baptiste - afin de trouver le bonheur et l'harmonie dans le monde.