Nous verrons tout d’abord qu’elle dénonce la condition des femmes puis qu’elle en fait un vibrant plaidoyer.
Passage étudié : depuis « Homme, es-tu capable d'être juste? » jusqu'à « sur l'utilité commune ».
I. Une dénonciation émue de la condition féminine
A. Un pouvoir masculin dictatorial
Pour défendre les droits des femmes, Olympe de Gouges rédige une déclaration empreinte de passion à laquelle elle donne un titre inspiré de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen rédigée en 1789 suite à la Révolution française. Elle conteste avec vigueur dans son avant-propos, la primauté masculine et utilise pour cela un lexique politique comme dans les expressions suivantes : « souverain empire » (l.2), « opprimer » (l.3), « empire tyrannique » (l.5), « commander en despote » (l.13). L’emprise de l’homme sur les femmes est donc bien assimilée aux formes les plus contestables d’exercice politique que la révolution prétendait abattre. Or, en dénonçant l’oppression dont elles sont encore victimes, elle remarque que le changement de régime n’a finalement pas permis de libérer les femmes de la tyrannie masculine. Elle déplore le décalage des hommes avec leur temps par l’antithèse entre l’expression superlative hyperbolique « l’ignorance la plus crasse » (l.13) qui les qualifie et le « siècle de lumières et de sagacité* » (l.12) dans lequel ils évoluent. L’homme prétend jouir d’un pouvoir obsolète.
B. Un pouvoir masculin infondé
La forme oratoire accusée de l’avant-propos permet à l’écrivain de faire part de son indignation. Elle apostrophe l’homme en le tutoyant dès la première ligne pour s’en faire l’égale et adopte un ton provocateur de défi dans la proposition circonstancielle d'hypothèse « si tu l'oses » (l.5). La forme emphatique « c'est...qui » (l.1) met bien en valeur le nom « femme » auquel elle adjoint le déterminant « une » car elle se veut la représentante de toutes les femmes. Ses questions sont autant de reproches implicites : « es-tu capable d’être juste ? » (l.1), « qui t’a donné le souverain empire ? » (l.2). Le registre est ici clairement polémique*. L’auteur entre en débat en tant que femme avec celui qui exerce un pouvoir injuste, et met en cause les fondements de ce pouvoir. Les questions empreintes d’ironie telles que « ta force ? tes talents ? » (l.3) contestent à l’homme tout droit à affirmer sa supériorité. Son indignation éclate enfin dans le dernier temps de l’avant-propos au travers de l’accumulation de termes dépréciatifs associés à l’homme : « bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » (l.11/12). Elle le représente clairement comme un monstre en son temps.
Transition : Le préambule marque cependant un changement de ton et le passage d’une grande violence polémique à une grande solennité.
II. Un plaidoyer argumenté en faveur des femmes
A. La singularité de l’homme dans l’espèce animale
Olympe de Gouges remplace la colère par la gravité au moment d’énoncer pleinement les droits de la femme. C’est ce que mettent en évidence les phrases déclaratives qui jouent sur des procédés d’emphase en particulier grâce à l’accumulation d’expansions de noms « les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » (l.30/31). Elle s’appuie sur une comparaison avec les autres animaux pour développer dans l’avant-propos l’ « exception » humaine. L’exemple de toutes les formes de vie naturelle fait ressortir la singularité de l’espèce humaine qui seule, sépare et oppose les sexes. La locutrice invite ici son lecteur à une démarche expérimentale : il doit mener une enquête, comme l’y incitent les ordres donnés à l’impératif présent : « parcours la nature » (l.4) « remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux » (l.6) etc. Cette enquête ne peut que valider l’hypothèse de départ : l’homme est une anomalie dans la nature. La mise en épanaphore* de l’adverbe de lieu « partout » (l.9, 10), met ainsi en relief « l'ensemble harmonieux » (l.10) c'est-à-dire la communion universelle à laquelle l’homme se dérobe comme le souligne l’emploi de l’adjectif « seul » à la phrase suivante.
B. La légitimité de la revendication féminine
Dans le préambule, Olympe de Gouges emploie un argument plus politique et historique sur un rythme ternaire, elle affirme que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics » (l.24/27). L’homme ne peut donc espérer atteindre le bonheur politique que pour autant qu’il laisse à la femme toute la place qu’elle mérite. Si le gouvernement est corrompu, c’est que les femmes n’y sont pas directement impliquées. Le groupe ternaire appartenant au champ lexical de la famille « les mères, les filles, les sœurs » (l.20) est sans doute un moyen de légitimer cette principale revendication en rappelant les liens étroits qui unissent les hommes aux femmes. Elle s’emploie à défendre le droit des femmes à une représentation politique égale à celle des hommes. Elle fait directement référence à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont ce droit à l’égalité constitue le premier article. Enfin, elle rappelle la dignité de son sexe, sur tous les plans - physique, moral et mental - par des périphrases élogieuses « un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles » (l.13/14), « le sexe supérieur en beauté comme en courage » (l.39). Elle se présente comme une personne responsable aux objectifs précis mis en relief par les connecteurs logiques de but « afin que » (l.32, 33,34) et « avec le but de » (l.35).
Olympe de Gouges est une pionnière du féminisme dans la mesure où elle dénonce le pouvoir tyrannique et contestable exercé par les hommes sur les femmes et montre que cette domination est contre nature et à l’origine du malheur des nations. Nous pouvons opposer ce texte à l’Assembléedes femmes du poète grec Aristophane qui fait dans cette pièce de théâtre antique la satire de l’ambition des femmes à exercer le pouvoir.
Lexique :
· Polémique : du grec « polemos » : guerre. Il caractérise le discours argumentatif agressif dans lequel le locuteur cherche à discréditer la thèse à laquelle il s’oppose.
· Sagacité : finesse, clairvoyance
· Epanaphore : figure de style qui consiste en la répétition d’une même formule qui reproduit une même structure syntaxique en début de phrases ou de segments de phrases