Jean-Claude Carrière

Carrière est un écrivain français né en 1931, diplômé de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud. Son premier romain, intitulé Le Lézard, parait en 1957. Il collabore pendant une vingtaine d’années avec le célèbre réalisateur Luis Bunuel notamment sur Belle de Jour de Joseph Kessel, qui remportera un vif succès national et international. L’oeuvre de Carrière est vaste, en tant qu’écrivain, scénariste, adaptateur, et il a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière. Il s’est éteint en 2021.

Résumé de l’oeuvre

La controverse de Valladolid est une adaptation libre de faits historiques réels. Carrière indique à plusieurs reprises que son roman est fait d’interprétations et d’extrapolations, et n’a pas vocation à être uniquement historique et réel.

L’oeuvre s’organise autour d’un fait central majeur : Charles Quint demandant l’organisation d’une controverse destinée à décider du sort et donc de l’avenir des Indiens et Amérindiens. À Valladolid, cette controverse s’organise et est le théâtre d’affrontements violents. La controverse et les discussions durent près d’un an et sont le théâtre de discussions très animées, supervisées par de nombreux théologiens.

D’un côté, le clan De Las Casas, qui prend sans cesse la défense des Indiens. Face à lui, le clan du philosophe Sepulveda, qui défend l’idée d’une colonisation nécessaire et même indispensable de ces Indiens. La discussion fait l’objet de l’intégralité du livre, qui présente les arguments des deux clans avec force détails. La question sous-jacente est de déterminer si les Amérindiens ont une âme et s’ils peuvent être considérés comme égaux aux Européens, ou si leur domination est incontournable, du fait de leur infériorité. L’enjeu est immense, car selon la réponse qui sera choisie et la théorie qui sera retenue, l’esclavage des Indiens pourra être décidé ou abandonné. Des vies sont donc en jeu, à une grande échelle.

Les deux protagonistes s’affrontent dans des débats longs et houleux. La conclusion est surprenante. Sepulveda est débouté de sa demande, et le Pape accepte de ne pas coloniser les Indiens, qui sont reconnus comme des Humains, trop proches des Européens pour être réduits à l’esclavage. Néanmoins, le Pape demande aux Européens de coloniser à la place les Africains, qui représenteront une belle source de main d’oeuvre. Las Casas est effondré car pour lui, le débat demeure entier, et que l’esclavagisme doit être abandonné, quelles que soient les nations concernées.

Personnages principaux

L’oeuvre s’organise autour de deux personnages principaux.

Le moine dominicain Bartolomé de Las Casas se fait défenseur de cette minorité. Il plaide tout au long de l’ouvrage en faveur des Amérindiens, auprès desquels il a vécu pendant quelque temps, et qu’il estime égaux aux Européens. Las Cases utilise une argumentation orientée autour des sentiments, essayant d’en appeler à l’empathie du lecteur. Il a un tempérament beaucoup plus sanguin et peine à se contenir.

Face à lui, Juan Ginés de Sepúlveda s’oppose à Las Casas et défend la nécessité absolue de coloniser les Indiens et de les christianiser. Il est jésuite, théologien, très cartésien. Son argumentation est forte, il manie la rhétorique avec brio, demeure calme et organisé malgré les disruptions causées par son adversaire. Sepulveda mentionne à plusieurs reprises l’inacceptabilité de certains crimes commis par les Indiens, condamnés par la Bible, qui démontrent ainsi qu’ils ont besoin d’être éduqués et canalisés.

Thèmes abordés dans l’ouvrage

Le premier thème abordé dans cet ouvrage concerne la question de l’Humanité. Une des questions centrales, avant toute chose, est de déterminer si les Indiens sont des humains ou non. S’ils ne le sont pas, alors il sera(it) beaucoup plus facile de justifier leur asservissement et leur esclavage. S’ils le sont, en revanche, leur indépendance semble regagner du terrain.

Une autre question importante réside ici dans le pouvoir de l’information ou de la désinformation. Les deux protagonistes se font les porte-paroles d’informations rapportées sur des évènements supposés se dérouler dans le Nouveau Monde, mais qui manquent clairement de fiabilité. Ainsi, des crimes sont rapportés, mais qui peut être certain de leur réalité ?

La question centrale de l’ouvrage est celle de l’esclavage et de sa justification / légitimation ; notamment en fonction du statut d’humains des Indiens. La conclusion est abrupte et inattendue, car aucun des deux camps n’obtient gain de cause. Certes, Las Casas sort victorieux et gagne l’absence de colonisation des Indiens. Néanmoins, il est affligé par les symboles et les décisions prises concernant l’esclavage africain, qui donnera très bientôt lieu à un esclavage triangulaire très lucratif et bien organisé.