Ce chef d'oeuvre entre dans la composition de la vaste Comédie humaine balzacienne, et plus particulièrement, dans les Scènes de la vie de province.
Ce roman se compose de trois parties intitulées respectivement : Les Deux poètes, Un grand homme de province à Paris et Les souffrances de l'inventeur.
Les Illusions perdues est un roman parfois qualifié de mise en abyme de la littérature. Le personnage principal, Lucien Chardon, qui préfère utiliser le nom de sa mère, Rubempré, auquel il accole une particule, est à la recherche d'une gloire littéraire qui se soldera, pourtant, par un échec. Tour à tour héros et antihéros, Lucien est un provincial qui monte à Paris, ce qui définit aussi cette oeuvre comme un roman de formation, un roman de l’ambition mais de l’ambition déçue.
Ces illusions sont à la fois celle du protagoniste principal, mais aussi celle de sa famille et de la perception qu’elle a du jeune homme. Des modèles apparaissent dans cette famille, mais aussi dans le Cénacle : modèles de vertu à suivre pour toute une génération.

I- Contexte d’écriture

Mis au pied du mur, Honoré de Balzac se voit contraint de rédiger à la hâte la première partie de ce roman : en six mois, le romancier écrit Les Deux Poètes et le livre à son éditeur qui le menaçait de mise en demeure.
Honoré de Balzac dédie ce roman à Victor Hugo dans la préface.
 

II- Résumé

Le cadre des Illusions perdues est bien entendu la société de la Restauration française, et plus particulièrement, celui du monde littéraire, des libraires et de l'imprimerie.
Lucien devient journaliste : c'est une première désillusion pour ce jeune provincial qui monte à Paris dans le but de devenir écrivain. Toutefois, il connaît le succès en tant que journaliste.
Pris dans les heurts du temps, Lucien de Rubempré connaît un revirement idéologique : son monarchisme causera sa perte.
 
Ruiné, Lucien cherche de l'aide auprès de son beau-frère et ami David Séchard, qui se fera finalement emprisonner à cause de Lucien. David Séchard avait mis au point un procédé innovant de fabrication du papier.  
La désillusion gagne encore Lucien, qui veut se suicider. Mais un prêtre l'en empêche après un pacte : le prêtre lui donne l'argent pour libérer de prison Séchard, en échange d'une servitude de la part de Lucien.

III- Personnages principaux

 

Lucien Chardon : Lucien de Rubempré

Lucien choisit d'adopter le nom de sa mère, plus noble, croyant ainsi pouvoir briller plus facilement dans la sphère littéraire mondaine. Il est le stéréotype du jeune homme à qui la gloire est promise : il est jeune, beau, et ambitieux. Mais il a besoin constamment d’un guide, d’un tuteur.
Certains commentateurs voient en Lucien le jeune Balzac qui monte à Paris pour vivre de sa plume, en proie aux affres de cette société.
 

David Séchard

Il est un homme généreux par nature. Il est l'exact opposé de Lucien qui préfère la vie mondaine, ses frivolités et ses vanités. Homme altruiste, Séchard est un inventeur qui fabrique un procédé pour fabriquer du papier. Mais, criblé de dettes, il perd le brevet pour son invention.

Eve Chardon : Eve Séchard

Elle est la sœur de Lucien et apparaît comme un contre-point à ce dernier.  Elle est une femme qui apprécie la modération, le sens de la vertu et de la famille. Les mauvaises conduites de Lucien sont une désillusion pour elle.

Le Cénacle

Il s'agit d'un cercle de jeunes hommes honorables, prônant la vertu et la morale. Ils se distinguent par leur dévouement au travail, qui démultiplie leurs talents. Ce Cénacle se compose d'écrivains, d'artistes, de scientifiques (Daniel d'Arthez, Léon Giraud, Jean-Jacques Bixiou, Horace Bianchon, Joseph Bridau, Michel Chrestien...). Ces groupes de jeunes gens ne sont pas sans rappeler la jeunesse romantique d’alors.

Marie-Louise-Anaïs de Nègrepelisse : de Bargeton : Sixte Du Châtelet

Elle habite Angoulême mais n'apprécie pas la vie en province. Elle devient la protectrice de Lucien, malgré les médisances qui voient en cette relation une mésalliance. Elle rejoint donc Paris mais Lucien et elle se séparent.
 

Jacques Collin : Vautrin : Carlos Herrera

Il s’apparente à Vidocq, un forçat. Ce personnage revient dans de nombreux romans de Balzac. Il aide les jeunes gens ambitieux. Mais il peut faire preuve d’une violence extrême.
 
Certains personnages se retrouvent dans d’autres romans de Balzac, participant de la structure interne de la Comédie Humaine en un tout cohérent.
 

IV- Notions

Outre l'art littéraire, Les Illusions perdues conjuguent différents arts : la littérature est aussi la métaphore du monde de la mode et donc du superficiel et de l'artifice, du changeant.
Ce roman de formation peint à la fois l’itinéraire initiatique d’un jeune ambitieux qui monte à la capitale et celui du lecteur qui se lit en filigrane, l’illusion n’étant qu’une étape vers la révélation de la vérité.
Ce tome de la Comédie Humaine s'attache à transformer le fait littéraire en produit de consommation en cette société capitaliste en plein essor. Ce sont avant tout les thèses de Georg Lukàcs (Balzac et le réalisme français, La Découverte, 1998). Ce roman est donc une fresque sociale où l’argent domine.
Enfin, toute la Comédie Humaine, et notamment Les Illusions perdues sont la monstration voire la dénonciation du siècle, des mœurs ambitieuses qui font de l'imposture un mot d'ordre (Maurice Bardèche, Balzac, romancier, 1967). Corruption, débauche, homo humini lupus, autant de notions qui fondent ce roman de l’argent.
 

Conclusion
Parce qu'il touchait de trop près à la réalité, le livre fut mal accueilli alors que c’était l’objectif de Balzac : peindre les mœurs. Les mœurs de la vie en Province, à Angoulême, les mœurs parisiennes, la société de la Restauration, l’aristocratie, la bourgeoisie, le milieu du journalisme…et partant, la vie politique de l’époque, sous toile de fonds historique.
Trop proches également de la réalité psychologique, les personnages de Balzac ont pu déplaire au public de l’époque. Même s’ils apparaissent comme des types, des stéréotypes, les personnages balzaciens n’en sont pas moins dépourvus de caractéristiques psychologiques propres. Mêmes si un manichéisme entre les protagonistes est perceptible, les personnages balzaciens se lisent aussi par leurs ambiguïtés profondes et intimes.
De plus, sa parution sur plusieurs années donnait une impression de dilution, tout comme sa longueur. Ce roman a peu été réédité au XIXème siècle. Balzac est alors discrédité dans la sphère littéraire mais saura rebondir.
Plus tard, Les Illusions perdues ont été adaptées au cinéma, au théâtre, à plusieurs reprises.