Avec le sous-titre « Une histoire des années soixante », l’ouvrage se présente alors comme le roman d'une époque, celle de la société de consommation qui vient d'apparaître en France. Il y raconte en effet, le quotidien d’un jeune couple, Jérôme et Sylvie, vivant dans le Paris des années 1960. Gagnant leur vie en faisant des enquêtes d’opinion, le jeune couple est pris dans une spirale d’envie et d’insatisfaction des choses qu’ils ne peuvent s’offrir, au sein même de cette société de consommation. George PEREC se délecte alors à décrire avec minutie leur vie étriquée et leur désir d’objets, de meubles, de vêtements ou encore de bijoux. Leur matérialisme excessif et sans limites engendre chez eux, une existence monotone et vide, les deux personnages étant uniquement habités par des aspirations matérielles.

 

Face à ce constat littéraire, il convient dès lors, se demander : Dans quelle mesure Georges PEREC propose-t-il, avec son roman Les choses et notamment à travers ses deux personnages principaux, une vision critique de la société de consommation ?

 

Nous montrerons tout d’abord que Georges PEREC met en avant une analyse sociologique forte de l’époque de son temps, en y intégrant également des éléments historiques et politiques. Nous étudierons ensuite la manière dont l’auteur dépeint deux existences conditionnées par les objets, à l’image de la société de consommation qui se développait en France.


Plan de dissertation

 

I – Une analyse sociologique, historique et politique d’une époque

II - Une existence conditionnée par les objets : l’envie « des choses »

 


Résumé du roman

Au début des années 1960, Jérôme, vingt-quatre ans est en couple avec Sylvie, vingt-deux ans. Tous deux travaillent en tant qu’enquêteurs en free-lance pour des instituts de sondage à Paris. Rapidement, le jeune commence à acquérir des « choses » diverses et variées (meubles, vêtements, bibelots…) qu’ils recherchent dans les quartiers branchés de la capitale. Immergés dans cette société de consommation de plus en plus pressantes, les deux jeunes se lancent dans une quête matérialiste folle où le bonheur ne serait possible que par la possession de ces choses.

Bientôt, la guerre d’Algérie leur apporte une sorte d’exutoire. Jérôme et Sylvie participent alors aux actions du comité antifasciste de leur quartier. Leur engagement bien que relatif les amènent à prendre part à des manifestations. Au sortir de la guerre, un ennui total les saisit. Pour fuir la déprime parisienne qui s’est installée, ils décident de partir à Sfax en Tunisie. Sylvie y exerce comme enseignante mais Jérôme reste toujours sans emploi. Par ailleurs, le couple peine à s’intégrer dans la vie locale et ne cesse de repenser à leur vie parisienne. Leurs conditions de vie sont rudes entre misère, vide et exclusion.

Face au souvenir de leur vie européenne dont ils gardent une profonde nostalgie, les deux protagonistes choisissent finalement de retourner en France. Ils s’établissent alors à Bordeaux et acceptent enfin la nécessité de gagner de l’argent pour se procurer les biens qu’ils souhaitent. En prenant la tête d’une agence de publicité bordelaise, ils s’assurent dès lors une rémunération conséquente, leur permettant enfin de s’offrir ce qu’ils désirent sans frustration. L’ouvrage se conclut sur cette nouvelle période dans la vie de Jérôme et Sylvie qui, désormais, « auront la vie devant eux » pour réaliser leurs envies.

Personnages du roman

Le roman se concentre sur la vie quotidienne d’un couple de jeunes parisiens : Jérôme, vingt-quatre ans, et Sylvie, vingt-deux ans. Tous deux exercent alors un métier emblématique des années 1960, celui d’enquêteurs en free-lance pour des instituts de sondage. Leur travail consiste ainsi à questionner, toute la journée, des parisiens dans la rue : « Pourquoi les aspirateurs-traîneaux se vendent-ils si mal ? », «  Que penses-vous, dans les milieux de modeste extraction, de la chicorée ? » ou encore « Aime-t-on la purée toute faite, et pourquoi ?... ». Les réponses obtenues ont ensuite, pour but d’alimenter les futures campagnes de publicité et de créer ainsi l’envie de nouvelles « choses ». Rapidement, le magazine l’Express se transforme en leur bible des achats à venir : il s’agit de leur maître à penser tant en termes d’objets à acheter comme de style de vie, de manière plus générale. Par conséquent, leur vie finit par se réduire au seul désir de consommer « des choses », d’où le titre de ce roman.

D’autre part, par l’importance que les deux personnages accordent aux objets, ces derniers pourraient être considérés comme une troisième entité / personnage clé du roman. En effet, tout au long de l’ouvrage, Jérôme et Sylvie n’ont de cesse de « courir après les objets » et placent leur bonheur en fonction des achats effectués. Le roman s’ouvre par ailleurs sur le descriptif détaillé et des objets d’un appartement cossu, rêvé par le jeune couple. Un second descriptif de leur nouveau logement, à savoir un appartement vaste à Sfax en Tunisie, révèle le sentiment d’égarement installé en eux par le manque d’objets. Par conséquent, les choses en tant qu’entité jouant un rôle à part entière dans l’ouvrage peuvent ici être considérées comme un personnage du roman.

 

Thèmes évoqués

Georges PEREC résume cette représentation de la société de consommation à travers une seule phrase : « Dans le monde qui était le leur, il était presque de règle de désirer toujours plus qu'on ne pouvait acquérir ». A travers cette citation, c’est surtout une peinture des mœurs d’une époque que l’écrivain nous propose. En effet, autant Jérôme que Sylvie est chacun obsédé par les objets qu’ils ne peuvent acheter. En se transformant en consommateurs modèles et même impulsifs, ils perdent progressivement le sens de leur existence, cette dernière étant seulement conditionnée par les objets. En ce sens, Georges PERECE plante la problématique du bonheur au sein de la société de consommation.

Dans ce roman, il renverse alors l’idée selon laquelle si les individus achètent, c’est avant tout pour être heureux puisque les objets achetés contribuent, d’une certaine manière à subvenir à tous leurs besoins et leurs désirs. Or, dans l’ouvrage, c’est bien cette idée centrale de la nécessité des choses qui est remise en question puisque Jérôme et Sylvie vont jusqu’à acheter des « bibelots et autres objets totalement inutiles ». Les deux personnages ne sont plus heureux que par l’achat impulsif. Ils n’existent désormais que par et à travers la possession d’objets. Georges PEREC résume ainsi cette existence vide avec la phrase : « Ils aimaient la richesse avant d’aimer la vie ». Le roman est par ailleurs parsemé de descriptions extrêmement minutieuses, à l’image de la présence étouffante de tous ces objets dans la vie des deux protagonistes.

Par conséquent, Georges PEREC interroge bien la relation parfois malsaine que les hommes peuvent entretenir avec les objets et plus généralement, leur mode de consommation.


Sources

·       PEREC, Georges. Les choses. 1965.

·       WINOCK, Michel. « Les Choses » de Georges Perec. L’Histoire. Septembre 2017. Disponible sur Internet : https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-les-choses-%C2%BB-de-georges-perec