Contexte historique

La situation politique du début du XIXème siècle est instable et conflictuelle, la jeunesse qui rêve d’une nouvelle révolution progressiste est déçue au moment de l’arrivée de Louis-Philippe au pouvoir. La mixité sociale représente la réalité des quartiers parisiens, cependant les avantages sont principalement entretenus par les aristocrates et les bourgeois. C’est de cette manière que l’évolution du personnage de Raphaël sera représentée au cours du roman. 


Honoré de Balzac

Honoré de Balzac est né en 1799 à Tours, sa famille s’installe à Paris quelques années plus tard, il fera alors des études de droit et sera clerc de notaire avant de renoncer à cette carrière. D’abord sous des pseudonymes, il publie ses premiers romans, mais c’est en 1829 qu’il connaît enfin le succès avec Les Chouans et Physiologie du mariage (publié anonymement). Il développera son activité avec le journalisme et l’imprimerie pour ensuite publier La peau de chagrin, une œuvre qui fera partie du recueil des Romans et contes philosophiques. Pendant le reste de sa vie, il sera principalement rendu célèbre par le projet de la Comédie humaine, une édition complète de ses œuvres qui vise à analyser la nature humaine. Il propose donc d’étudier et de questionner les mœurs des différentes classes sociales de son époque. La peau de chagrin sera intégrée dans la partie Etudes philosophiques de ce recueil. Enfin, Balzac a su se démarquer par le fait de faire apparaître certains de ses personnages dans plusieurs de ses œuvres du recueil de La comédie humaine, ce qui appuie l’analyse de leurs différents parcours. 


Résumé

Raphaël de Valentin connaît le chagrin et la misère au moment où un antiquaire lui présente une peau de chagrin qui lui permettrait d’exaucer tous les souhaits. Des paroles sont inscrites dessus : “Si tu me possèdes, tu posséderas tout, mais ta vie m’appartiendra.” afin de le mettre en garde sur la dimension définitive de l’acquisition. Raphaël vit alors sa période de gloire et d’excès, profitant des bienfaits auxquels la peau de chagrin lui permettait de prétendre. C’est alors qu’il prend conscience du peu de temps qu’il lui reste car la peau a énormément rétréci. Il fera tout pour sauvegarder la peau qu’il lui reste en formulant le moins de souhait possible, et il mourra malgré son violent désir de vivre encore. 

Le roman est structuré en trois parties : Le Talisman, La Femme sans coeur et L’Agonie. Le Talisman représente la partie du roman pendant laquelle Raphaël évolue de sa situation de fauché suicidaire à un épicurien qui connaît le luxe. La Femme sans coeur permet de présenter le contexte par lequel Raphaël a tout sacrifié pour Foedora, une belle, riche, mais froide femme avant de devenir pauvre et d’acquérir la peau. L’Agonie montre un Raphaël réalisant les conséquences de ses souhaits. Il tentera de se débarrasser de la peau après son mariage avec Pauline. Il tombera malade à mesure du rétrécissement de la peau et mourra dans les bras de Pauline. 

Raphaël est un romantique, mais il est extrêmement attiré par les richesses. L’intrigue de la peau permet de mettre en relief le thème de la réussite sociale ainsi que celui de l’amour par intérêt. Aussi, les différentes situations financières de Raphaël permettent d’évoquer les thèmes de l’argent, de la dépense et de la pauvreté. Ses modes de vie oscillent entre un quotidien monacale et une vie ponctuée de distractions. La dimension tragique de l’intrigue repose sur l’acquisition de la peau, mais surtout du message et de la prévention qu’elle pouvait démontrer. Raphaël pouvait avoir conscience de ce qui l’attendait, c’est-à-dire une fin à laquelle il ne pouvait échapper. Cela dit, on peut remarquer que Raphaël a obtenu ce qu’il voulait au début du roman : mourir. 

Les personnages

Raphaël est la représentation même du héros romantique : sensible, mélancolique et ayant un mal de vivre. Il comprendra que sa vie a été gâchée par ses envies et tentera de savourer son amour sincère pour Pauline. Pauline, quant à elle, se distingue dans le roman par son opposition avec Foedora. Elle est gracieuse et représente la perfection en ses qualités. Foedora représente la richesse, la beauté, mais aussi l’hypocrisie, la froideur. Cette femme ne vit que pour être apprêtée, ignorant tous les intéressés. La mort de Raphaël étant causée par le désir qu’il ressent pour Pauline, on peut voir un échange des valeurs de la chasteté entre ces deux personnages. Nombre d’apparitions dans le roman sont associées à l’incarnation de Satan, comme par exemples avec les joueurs du tripot, ou encore l’antiquaire. Rastignac est un personnage qui a une influence néfaste sur Raphaël, l’encourageant à vivre sans se soucier du bien et du mal. Enfin, le banquier Taillefer représente également les valeurs immorales en vivant de luxure et d’excès. 

Citations clés

  • L’antiquaire : “Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme.
  • Rastignac : “Moi, je suis propre à tout et bon à rien, paresseux comme un homard ? eh ! bien, j’arriverai à tout. Je me répands, je me pousse, l’on me fait place ; je me vante, l’on me croit ; je fais des dettes, on les paie ! La dissipation, mon cher, est un système politique.”
  • Raphaël : “- Au diable la mort ! s’écria-t-il en brandissant la Peau. Je veux vivre maintenant ! Je suis riche, j’ai toutes les vertus. Rien ne me résistera.”

 

Analyse

L’Orient est une référence incontournable de ce roman. La paresse orientale est particulièrement admirée et recherchée par Raphaël, au péril de sa vie. En tant que mode de vie, mais également en tant que tendances de mode. Les femmes du roman sont plusieurs à porter des accessoires d’Orient, on retrouve cet aspect du paraître avec certaines décorations hautes en couleurs chez le banquier Taillefer. La Peau vient elle-même de “l’industrie du Levant”, et il en est de même pour les fortunes desquelles Raphaël et Pauline héritent. 

Afin de renforcer le caractère romantique du personnage de Raphaël, la musique est un thème récurrent dans le récit. Messagère des émotions, elle permet à Raphaël de se sentir mieux ou bien de dévoiler ses sentiments. De plus, toute la société se concentre dans les lieux culturels autour de la musique comme l’Opéra ainsi que le Théâtre-Italien. Plusieurs personnages entament les paroles de différents airs d’opéra italien. Parfois, le thème de la musique permet à Balzac de peindre le bruit de la société. Élément universel dans cette œuvre, la musique permet alors de représenter l’énergie des différents passages.  

Ce roman flirte entre deux genres : le fantastique et le conte philosophique. Les souhaits devenus soudainement accessibles ainsi que la maladie mystérieuse de Raphaël feront de ce roman un roman fantastique. La possibilité d’une explication irrationnelle permet à Balzac de laisser planer le doute tout au long du récit, le lecteur peut à tout moment se dire qu’un événement est certes heureux par le hasard, mais également possible, comme par exemple avec l’héritage de la fortune. La Peau, en revanche, est inexplicable. En particulier son rétrécissement. Les scientifiques qui tentent d’expliquer ce phénomène se heurtent à des limites humaines et naturelles de la recherche. Le conte philosophique se prête volontiers à ce roman car Balzac suggère une critique des idées politiques et sociales de son époque. La leçon à tirer de ce récit se résume à vivre une vie sans se laisser aller aux excès et aux passions, bien que dans le récit l’on puisse avoir accès à la thèse adverse : vivre libre et mourir. Il est à retenir que les souhaits sont naturels chez l’Homme et que l’on ne peut s’y soustraire entièrement, mais si on observe Foedora, nous pouvons penser que sacrifier ses désirs peut permettre d’accéder à une vie plus ambitieuse. 

Le style d’écriture au fil de la construction du récit

L’incipit nous présente le portrait mystérieux et tourmenté de Raphaël à travers une description morbide. Le surnaturel provoqué par la Peau provoque une rupture avec les normes de la société puisque Raphaël accède à la richesse de façon non naturelle. La structure du récit propose un début in medias res, puisque la deuxième partie du roman reprend les événement vécus avant l’arrivée de Raphaël aux jeux. Raphaël fait le récit de sa vie à travers une analepse, le retour au présent se faisant par la découverte de la Peau dans sa poche. L’opposition entre Foedora et Pauline permet de montrer deux histoires d’amour totalement opposées en ce qui concerne les valeurs morales et les qualités de la femme idéale.  Le sort de Raphaël est envisagé relativement tôt dans le roman, c’est l’occasion pour Balzac d’insister sur la souffrance du personnage. La critique de la médecine fait référence à certaines comédies de Molière. Enfin, l’épilogue permet aux lecteurs d’accéder à une suite réflexive après la mort de Raphaël.