Sujet 1 - En quoi, selon vous, est-il possible d’affirmer que l’écriture de Céline est, d’abord et avant tout, un exercice de style ?

Dans ce sujet de dissertation, qui ne laisse pas beaucoup de place aux opinions divergentes, il convient d’aller dans le sens de la question : certes, l’écriture célinienne est une écriture du style, mais comment s’exemplifie-t-elle au long cours dans ses oeuvres ? Il convient de décortiquer ce style qui, loin d’être un simple « exercice », révèle l’audace profonde du Prix Goncourt de 1932 en faisant du style un ancrage de fond dans l’oeuvre ; un signifiant consubstantiel à l’écriture célinienne dont Voyage au bout de la nuit est, par exemple, l’un des fleurons.


Sujet 2 - L’art pour l’art, un art pour rien ?

Ce sujet invite à prendre deux considérations en même temps : l’une, majeure, la proposition sur « l’art pour l’art » qui renvoie à une conception historique et littéraire bien déterminée ; l’autre, la déduction, qui est formulée sous forme interrogative. L’art pour l’art, en tant qu’art « pur » et dépouillé de toute velléité d’extranéité, peut-il être ramené au plan de l’utilité que suggère le « pour rien » ? Et si « pour rien » était encore un dévoiement, une utilité que lui refusent les théoriciens de l’art pour l’art ?


Sujet 3 - Peut-on considérer Les Misérables de Victor Hugo comme un roman historique ?

Roman historique, la formulation peut paraître aisée et pourtant. Elle pose des bornes ; qu’est-ce que le roman historique ? L’oeuvre de Victor Hugo est-elle simplement porteuse d’une ambition historique – et non d’une hauteur « métahistorique » au service d’un universel et d’une cause politique qui transcende les particularismes historiques du Paris miséreux de ce XIXe siècle ? Si, pour une partie, le roman Les Misérables est bien historique, il est bien plus que cela ; l’élève devra montrer en quoi cette oeuvre sert un dessein politique, une fresque aux ambitions sociales et, presque, spirituelles, sur la condition humaine.


Sujet 4 - Pour Jean Giraudoux, le lien qui unit Valmont à Merteuil constitue « un superbe assemblage ». Qu’en pensez-vous ?

Sans indication, il peut être malaisé de comprendre de quoi parle Giraudoux ; c’est pourquoi la culture littéraire est d’une précieuse aide et, ici, elle requiert le strict minimum, à savoir que ces deux personnages sont les protagonistes des Liaisons dangereuses de Laclos. Les séductions torrides et les amours, frelatées d’ambitions et de malversations, constituent le noeud de cet ouvrage dont les correspondances épistolaires portent en elles les germes de ce « superbe assemblage ». En quoi cet assemblage correspond-il à l’égalité des forces de ces deux libertins qui se séduisent, mais ne ploient guère l’un face à l’autre ?


Sujet 5 - La littérature engagée

Trois mots qui recèlent beaucoup. Ce sujet peut s’entendre en, au moins, deux sens : la littérature engagée comme type de littérature, c’est-à-dire celle des écrivains qui se considèrent, dans la lignée de ce qu’a pu interpréter l’existentialisme sartrien, des « engagés » pour une cause politique ou sociale bien précise. On a ici affaire à la représentation classique de la littérature comme passeuse de combats, d’idées et de luttes idéologiques. Mais le second sens est plus profond et mérite d’être exploité : la littérature peut-elle être « engagée » pour l’engagement de l’auteur ? Autrement dit, peut-on « engager » la littérature comme l’on écrirait de la littérature « engagée » ? La littérature est-elle à disponibilité de l’auteur et de son statut ?


Sujet 6 - La littérature doit-elle être réaliste ?

Question ouverte. On demande ici l’opinion de l’élève, qui doit prouver, au moyen de force références culturelles et historiques touchant à la littérature, que sa démonstration tient la route. Il n’y a ni bonne, ni fausse réponse ; il sera toutefois apprécié l’examen des possibilités (la littérature peut être réaliste…, mais elle peut également ne pas l’être) attendant, en fin de compte, l’avis déterminé de l’élève. En effet, l’injonction du « devoir » (« doit-elle ») renvoie à la fois à la forme de la littérature (une littérature « réaliste » ; qui attend l’examen définitionnel du terme « réaliste ») et à une sorte d’impératif moral avec lequel la littérature aurait partie liée.


Sujet 7 - En quoi Le Misanthrope de Molière peut-elle être caractérisé de peinture humaniste ?

Dans ce sujet, on ne demande pas l’avis de l’élève ; la visée du sujet est déjà établie et son présupposé est qu’effectivement, Le Misanthrope est caractérisable comme une « peinture humaniste ». Il s’agira donc d’étayer cette affirmation en démontrant qu’en effet, Molière dresse le portrait tout à la fois d’un homme et de sa société ; une société des apparences où se jouent, en abîme, les ressorts d’un « grand » théâtre social représenté par le « petit » théâtre technique de Molière. Humaniste, puisqu’elle intéresse l’élévation de l’homme et ses modalités de perfection et de sublimation ; après tout, Alceste n’est-il pas misanthrope parce qu’à l’origine, trop confiant dans la bonté naturelle supposée de l’homme ?


Sujet 8 - Le bon sauvage dans Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier

Le thème est déjà exposé et très clair : le bon sauvage est une notion qui renvoie, au moins, aux racines philosophiques établies par Rousseau à l’époque moderne. Cette notion, qui sera centrale dans le développement de l’humanisme postérieur, postule que l’homme est « bon » par nature ; Tournier met en scène l’universelle découverte de la vie « sauvage » de l’homme, sa vie au plus près de son statut « animal » et qu’il regarde avec une condescendance affectée de milliers d’années de culture. Le dialogue entre Robinson et Vendredi est un dialogue de l’homme à l’homme lui-même.


Sujet 9 - Huysmans, écrivain de l’anti-modernité

Huysmans n’est pas un écrivain très connu des élèves, mais il fut pourtant l’un des auteurs les plus lus à l’instar de Maurice Barrès. Huysmans est habituellement cité comme un écrivain pessimiste, ayant eu une influence considérable sur, par exemple, l’écriture flaubertienne. Sa réticence face à la modernité est une réticence face au retrait du sacré dans l’existence commune ; retrait caractérisé par la centralisation du thème du temps, qui figure dans À rebours. Atteint du « mal du siècle » à l’instar du spleen baudelairien, cette génération de la fin du 19e siècle est à un tournant de l’histoire : la modernité, incarnée par les usines et la paupérisation, leur apparaît dans sa cruauté la plus entière.


Sujet 10 - Baudelaire, « L’Homme et la mer » : « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! ». Qu’en pensez-vous ?

Parenthèse d’espoir dans un spleen digéré par une poésie mélancolique, ce vers de « L’Homme et la mer » invite au dépassement des conditionnements et à la révérence de l’élément naturel. Les références à la condition humaine et à la force du miroir marin sont évidemment de rigueur.