Les lois expriment une justice comment pourrait-il être juste de désobéir alors qu’elles sont normalement conformes à une idée d’équité et de justice ? Ce sont des formes d’obligation, des contraintes, des impératifs qui régissent les normes de la société et la justice. Elles sont essentielles à la vie en communauté, elles servent de repères universels permettant de distinguer ce qui est juste ou non de par leurs essences partagées en tant que résultat d’une décision commune, les rendant incontestables. Sinon chacun déciderait selon sa subjectivité propre et donc son intérêt personnel. Il est donc nécessaire de la respecter au risque d’être du coup injuste, même si elle n’est pas forcément en ma faveur. Il serait injuste, c’est-à-dire non conforme à la justice et à l’équité, que j’y désobéisse par rapport aux autres qui les respectent. N’étant qu’une tout petite partie du Tout que représente la société, désobéir à ses lois serait donc contre mon intérêt.
De prime abord, il semble donc normal que leurs violations entraînent des sanctions puisqu’elles sont nécessaires pour le bien de la vie en société. Pourtant, les lois ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. Toutes les lois sont-elles légitimes ? N’y-a-t-il pas de lois injustes ?  Est-il toujours injuste de désobéir aux lois ? N’y a-t-il pas des cas où la légalité de la loi ne la rend pas légitime pour autant ? Par exemple, si la loi rentre en contradiction avec une valeur éthique ou porte atteinte à la dignité de l’individu et aux droits de l’homme ? Dans ce cas, désobéir ne devient-il pas un devoir ? N’est-il pas nécessaire de refuser de suivre la loi injuste ?
Par exemple, dans l’Antigone de Sophocle, cette dernière décide de rendre les hommages funéraires à son frère Polynice malgré l’interdiction de son oncle Créon, roi de Thèbes ? Où se trouve l’injustice ?

I) La loi est la norme du juste : il est toujours injuste de désobéir à la loi

Les lois sont là pour mettre de l’ordre dans les valeurs morales et les croyances qui sont source de conflit. Elles permettent d’établir des critères communs qui ont pour but d’annihiler l’arbitraire, la violence qui naitrait de la domination d’un groupe qui impose sa volonté personnelle.
La loi est un processus de décision collective, qui se base sur le droit et la raison, lui donnant une légalité donc une légitimité qui s’applique à tous. En effet, comme ce sont des règles qui ont été convenu pour les autres et soi-même, il est injuste d’y désobéir, de les enfreindre. Ce serait tricher à un jeu dont tous les participants ont défini les règles à suivre en accord avec les uns et les autres. Elles sont en corrélation avec la volonté générale, leur désobéir est une source de désordre qui cause du tort à tous.  Socrate a ainsi plutôt mis en exergue que les lois de la cité étaient plus importantes que sa vie lorsqu’il fut injustement condamné à mort et bu la cigüe plutôt que de fuir.
Mais pourquoi la loi est-elle légitime ? Pour Rousseau, la loi libère l’homme car elle n’est pas une simple force de contrainte, c’est une nécessité dans le souci de l’intérêt de chacun. Elle établit les conditions de mon bonheur en me permettant de coexister pacifiquement avec tous les membres de la société : « Un peuple est libre, quelque forme qu'ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi ». Elle organise les relations pour éviter la violence et l’atteinte physique et morale de chacun.
Elle est ma protectrice contre les comportements nuisibles des autres car « l’homme est un loup pour l’homme » comme le dit si bien Hobbes. Un cadre est instauré reposant sur l’objectivité et le rationnel permettant d’annihiler l’arbitraire. Ainsi « la loi du plus fort » de Pascal se fait plus silencieuse. Un même comportement inacceptable entrainera donc les mêmes sanctions que ce soit moi ou un autre.

Ainsi la vraie liberté se trouve dans « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite ». Elle est donc libératrice. Néanmoins, n’existe-t-il pas de lois injustes ? Auquel cas, la désobéissance serait exceptionnellement juste et légitime.

II) Il existe des lois injustes : la nécessité d’une désobéissance justifiée par une norme supérieure

Si une loi peut être injuste, alors il est justifié d’y désobéir. Il a été défini qu’il est injuste de désobéir aux lois selon son bon vouloir.  Mais, il est nécessaire d’établir la légalité et la légitimité comme n’étant pas équivalent. Une loi voté démocratiquement n’est pas dans l’absolu légitime. Si la loi est l’expression de la volonté d’une majorité qui n’est pas dans l’intérêt général, c’est alors l’autocratie ou « la dictature de la majorité » pour Alexis de Tocqueville. Il faut instaurer un équilibre entre le principe de la majorité et accorder des droits à la minorité.
Par ailleurs, une loi qui ne permet pas l’égalité de principe entre les être humains est par définition injuste car ce n’est pas justice que de ne pas mettre tous les êtres humains sur le même pied d’égalité. Par exemple, on peut citer les lois raciales prises par les nazis qui leur interdit certains métiers. Il est nécessaire moralement d’y désobéir.
Celui qui élabore la loi est humain et donc peut faillir d’où l’existence de certaines lois absurdes comme celle qui interdit de mourir à Cugneaux sans possession d’un caveau ou celle qui interdit à une femme d’être croquemort.
Certaines lois transcendent les lois édictées par un gouvernement comme le démontre Antigone en enterrant le cadavre de son frère malgré l’interdiction du roi. L'interdiction de Créon ne peut pas être considérée comme une loi car elle devrait dans ce cas s'appliquer à tous et pas seulement à un cas particulier. Elle est donc par nature injuste et arbitraire.
D’autres exemples existent comme lors de la ségrégation où Martin Luther King se battait pour avoir les mêmes droits et qui désobéissait aux lois injustes en tant que devoir moral. Ou encore Rosa Parks qui obéissait à une loi non écrite qui définit l’égalité et la dignité de tous sans distinction.
La servitude n’est pas dans la loi instaurée de façon juste mais lorsque j’obéis à des lois injustes inconditionnellement et sans limites qui sont la volonté d’un despote. À ce moment-là, mes droits et devoirs sont inexistants. Je ne suis plus donc un être moral comme un robot.

Conclusion

Pour conclure, il serait effectivement injuste de désobéir à la loi, si c’est dans un intérêt personnel au détriment des autres. Cela ne fait qu’ajouter de « l’injustice à l’injustice en répondant à l’arbitraire de la loi par une autre forme d’arbitraire ».
Cependant, ce n’est pas toujours injuste, c’est même un devoir sous certaines conditions, c’est-à-dire au nom d’un idéal de justice supérieure. Il est juste de désobéir à une loi qui ne respecte pas les droits de l’Homme et « les convictions de la conscience ».  Elles doivent être véritablement justes et équitables dans une optique d’égalité devant la loi mais aussi de justice économique et sociale pour être digne d’être respectées.