En effet, si le progrès technique désigne habituellement « l'ensemble des innovations, de produit ou de procédé », ce dernier est souvent décrit par les économistes contemporains comme l'un des principaux facteurs de croissance. Par ailleurs, on entend par l'expression de « croissance économique », l'augmentation des richesses créées par les acteurs productifs résidents au cours d'une année. Cette augmentation de richesses se mesure par la variation du produit intérieur brut (PIB).

Dès lors, si le progrès technique est, de nos jours, perçu comme l'un des principales sources de la croissance économique, nous pouvons nous demander : de quelle manière ce progrès technique se reflète-t-il dans la croissance ?

Nous verrons tout d'abord que le progrès technique est vu par certains économistes comme un facteur exogène de croissance. Nous montrerons ensuite que selon la pensée économiste hétérodoxe, ce progrès technique reste néanmoins un facteur endogène de croissance.

I. Le progrès technique comme facteur exogène de croissance

L'amélioration de la croissance passe tout d'abord par des gains de productivité. En effet, selon les économistes Jean-Jacques Carré, Paul Dubois et Edmond Malinvaud, le progrès technique n'aurait pas une action déterminante, mais résiduelle sur la combinaison travail-capital. Au coeur des théories de la croissance, Robert Solow met en évidence un paradoxe devenu célèbre : celui selon lequel le ralentissement de la croissance dans les pays industriels depuis les années 1980 serait lié à un manque de progrès technique. En effet, l'économiste américain souligne que les gains de productivité dans l'entreprise sont de nos jours beaucoup plus faibles, alors que l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) aurait dû accroître considérablement la productivité industrielle. En 1987, il déclare ainsi que « l'âge de l'ordinateur est arrivé partout, sauf dans les statistiques de la productivité ». Généralement, le paradoxe de Solow repose sur deux tendances claires. D'une part, on assiste à une sous-utilisation de l'informatique au sein de l'entreprise. D'autre part, les économistes auraient surestimé l'inflation aux États-Unis dans les années 1990, surestimation qui aurait alors entraîné une mauvaise appréciation de la productivité dans les statistiques.

II. Le progrès technique comme facteur endogène de croissance

L'amélioration de la croissance s'explique également par la présence d'externalités positives. En effet, si la croissance dépend en grande partie des gains de productivité, ces derniers sont très souvent les résultats de progrès technique. En ce sens, d'après Robert Lucas, le progrès technique se définit comme étant un processus donnant lieu à une accumulation de connaissances nouvelles. Ces nouveaux savoirs permettent l'émergence d'innovations qui se diffusent et profitent ensuite à d'autres agents économiques. Comme le théorise l'économiste américain Paul Romer, ces agents vont alors investir dans la recherche et développement (R&D) et innover à leur tour. Dès lors, la croissance devient un phénomène cumulatif. Ce phénomène d'investissement met en lumière l'importance que les États et les grandes entreprises ont progressivement accordée au financement de la recherche et développement.

Si on analyse certaines données publiques liées à la R&D, on remarque que la part des dépenses de recherche pour la France, en pourcentage du PIB, est passée de 1,8 % en 1975 à 2,1 % en 1982 puis 2,4 % en 1997. Cette part des dépenses de recherche pour la France n'a depuis eu de cesse d'augmenter. À l'image de la France, les États-Unis misent eux-mêmes sur la recherche. Le financement de cette recherche est par ailleurs, assuré en partie par le développement des programmes militaires.

L'Autrichien Joseph Schumpeter est le premier économiste à avoir mis en lumière cette relation clé entre progrès technique et croissance, à travers l'analyse des cycles Kondratieff. En effet, il démontre dans son étude que les phases d'expansion des cycles Kondratieff s'expliquent non seulement par des innovations de produit (a), mais aussi par des innovations de processus (b). Concernant les innovations de produit (a), Schumpeter souligne que ces innovations contribuent à créer de nouveaux besoins et donc, une nouvelle demande. D'autre part, il démontre que les innovations de processus (b) permettent d'engendrer des gains de productivité qui sont par la suite, source de baisse des prix. Ainsi, la compétitivité-prix des entreprises s'améliore, ce qui contribue à un accroissement des ventes, tant sur le plan intérieur qu'extérieur (niveau d'exportation). Par ailleurs, puisque la demande augmente, les capacités de production sont amenées à accroître, ce qui a un effet extrêmement positif sur la croissance. Jouant le rôle de pôle d'entraînement de l'économie, ces deux types d'innovations constituent par conséquent des mécanismes clés du cercle vertueux de la croissance. Ce cercle résulte ainsi de la combinaison de ces phénomènes et débouche sur une croissance de la production, laquelle assure aux entreprises des profits élevés. Ces profits financent les investissements et l'effort de recherche qui, comme dans une boucle, alimentent par la suite, la croissance future.

De nos jours, on a désormais conscience que le progrès technique stimule plus que jamais la croissance. De nombreuses études à l'échelle mondiale arrivent en effet, à la même conclusion, selon laquelle la forte croissance des États-Unis de ces dernières décennies s'explique par la capacité des entreprises américaines à convertir leurs avancées scientifiques et technologiques en de nouveaux produits. Les nouvelles technologies représentent ainsi un enjeu important où des innovations considérées comme « majeures » engendrent une grappe d'innovations dites « mineures ». Un cas emblématique est celui d'Internet puisqu'Internet, considéré comme une innovation majeure, a par exemple engendré une innovation mineure : le commerce en ligne. De nouveaux produits voient le jour tandis que certaines activités, jusque-là nouvelles, parviennent à se développer. Ce processus mutuel contribue alors à stimuler la demande et à accroître le niveau de la production. En ce sens, le vrai moteur de la croissance économique serait bien le progrès technique. D'autre part, ces études s'accordent à dire que la « troisième révolution industrielle » marque le début d'un nouveau cycle de croissance forte. D'après Robert Barro, cette croissance forte passe également par les efforts que consacrent les États dans la mise en place d'infrastructures publiques. Il existe ainsi une corrélation étroite entre dépenses étatiques et croissance économique et l'on note en ce sens, que les pays qui consacrent le plus de fonds à la recherche sont aussi ceux qui sont les plus performants.

Pour conclure, le progrès technique est bien l'un des principaux facteurs de croissance, car il engendre des gains de productivité (facteur exogène), ces derniers étant en grande partie les résultats de nombreuses externalités positives (facteur endogène). Cependant, il semble important de souligner que l'intervention de l'État, via des financements, n'est plus le seul déterminant à l'origine du progrès technique. En effet, on assiste, au cours des deux dernières décennies, à la montée en puissance de petites entreprises innovantes : les start-ups. Or, ces entreprises ne peuvent prétendre aux aides de l'État. Il est donc de leur ressort de trouver de nouvelles modalités de financement. C'est ce que tentent de faire les sociétés de capital-risque dont le rôle est d'avancer des fonds à ces entreprises pour leur permettre de financer leurs projets. Il va sans dire que la nouvelle économie basée sur l'utilisation de plus en plus intensive de la matière grise ne pourrait s'épanouir sans un effort de formation important. Par conséquent, investir dans l'éducation et donc dans « le capital humain » est un autre déterminant fondamental de l'innovation et donc de la croissance.