Il s’agit d’un ouvrage non conventionnel, qui est en réalité un recueil de réflexions, de remarques, de maximes. Lors de sa première publication, en 1688, l’ouvrage compte 420 maximes. Dans sa dernière version, elles seront plus de 1100. L’oeuvre n’est pas clairement organisée, les thèmes sont nombreux, les sujets également.


I. Les principaux thèmes de l’oeuvre, le style engagé

La Bruyère émet des remarques sur la vie, sur la société qui l’entoure, sur l’ensemble des gens et des choses qu’il observe. La Bruyère s’affiche clairement comme un observateur de son siècle, dont il dresse des analyses nombreuses, souvent acérées. Il se pose souvent comme moraliste et critique certaines moeurs.

La Bruyère décrit également la vie à la cour du roi, l’hypocrisie, les faux semblants, la fausse dévotion, les mensonges. L’auteur ne cache pas son avis très tranché sur ces personnages qui sont prêts à tout pour plaire au roi, quitte à travestir leurs pensées et leurs valeurs. L’objectif de La Bruyère est de caricaturer les défauts des hommes pour dresser une critique de la société, et leur faire prendre conscience de leurs travers et des limites du modèle dans lequel ils évoluent. Il critique « l’ample comédie humaine » et veut éduquer les hommes à travers son oeuvre, en leur donnant des conseils de vie. L’intention de l’auteur est clairement polémique et satirique.

L’originalité de La Bruyère c’est qu’il utilise une écriture fragmentaire, comme de nombreux auteurs de son époque, mais qu’il ne renonce pas néanmoins à sa fonction et à sa tournure poétique. Il mêle donc habilement le style et le contenu, ce qui est loin d’être une chose aisée.

La Bruyère utilise majoritairement l’implicite, ne formule pas ses critiques ouvertement, et attend donc du lecteur un sévère esprit critique et une belle prise de recul. Ce style ironique et suggestif est fréquent à l’époque de La Bruyère, et utilisé par de nombreux autres auteurs. Le lecteur doit donc faire preuve de recul, analyser les écrits, tenter de comprendre ce que La Bruyère a voulu dire, réfléchir au véritable contenu des textes. Cela rend la lecture parfois un peu difficile, lorsque les suggestions ne sont pas évidentes.


II. Les personnages

La Bruyère dresse différents portraits au cours de son oeuvre. Certains sont des personnages idéaux, reprenant les traits et les agissements de personnages parfaits, aux valeurs exemplaires. Il rêve ainsi à une société parfaite, où les valeurs seraient respectées, les sentiments seraient vrais, la parole jamais viciée par des calculs personnels ou politiques. Néanmoins, cette société n’existe pas, et ces personnages parfaits sont entièrement utopiques. C’est la raison pour laquelle La Bruyère multiplie les personnages et caractères, pour montrer la diversité des vices notamment. À l’opposé des caractères parfaits et idéalisés, certains caractères sont ainsi remplis de défauts et ouvertement critiqués, ce qui permet à La Bruyère de dresser la critique de la société dans son ensemble à travers ces personnages. Les personnages sont pour la plupart fantasques, exubérants, dérangeants parfois.

Acis, par exemple, est un courtisan, précieux, que La Bruyère critique ouvertement. Il dénonce son ridicule, ses manies, ses faux-semblants.

Arrias est un autre personnage, très présomptueux, arrogant, qui croit tout connaître et se vante sans cesse. Il sera également très vivement décrié par La Bruyère dans son texte.

Pamphile, quant à lui, est un personnage qui se veut à la fois généreux et altruiste, mais que La Bruyère critique ouvertement. Il s’agirait en réalité plutôt d’un personnage qui se prend au sérieux, qui vit dans le superficiel et l’éphémère, et qui oublie facilement les vraies valeurs. La Bruyère insiste sur les artifices utilisés par le personnage pour donner le change, et montre qu’il ne faut pas se laisser prendre par le jeu des apparences.

La Bruyère insiste à plusieurs reprises sur la fixité des caractères, qui ne seront pas à même de changer, même lorsque leurs défauts sont identifiés et acceptés. Ce pessimisme se retrouve à plusieurs endroits dans son oeuvre, et a souvent fait l’objet de critiques par ses détracteurs. Il est parfois décrit comme un moraliste amer, parfois même démoralisateur, qui ne se concentre que sur les défauts et les mauvais côtés des gens, plutôt que de voir également leurs qualités. Certains personnages sont carrément ridicules ou burlesques, ce qui peut être vu comme une dérive de la critique constructive des vices identifiés.



Les Caractères sera modifié à plusieurs reprises entre sa première publication et la mort de La Bruyère, les maximes étant de plus en plus nombreuses et étayées.



Sources :

-
Les Caractères de La Bruyère - Editions Flammarion
- La Bruyère, Les Caractères, "De l'homme", XI - Annales Corrigées - Annabac
- Les Caractères de La Bruyère - Académie de Versailles