I. Glyphosate : la controverse

A. Présentation

Le glyphosate est définit comme un «désherbant utilisé pour détruire ce que l'on appelle communément les mauvaises herbes […] en bloquant la chaîne de synthèse des précurseurs d’acides aminés essentiels pour le fonctionnement de la plante, notamment pour la photosynthèse» (site du Ministère de l’Agriculture). En France, il est interdit à l’usage par les collectivités et les particuliers depuis 2017 et 2019.

La molécule active glyphosate est découverte en 1950 par un chimiste Suisse, Henri MARTIN.
C’est en 1974 que John FRANZ, travaillant pour MONSANTO, découvrira le potentiel de cette molécule comme herbicide. MOSANTO brevète le glyphosate et le commercialise sous la marque Roundup en Malaisie, pour la culture de l’hévéa, et au Royaume-Uni pour le blé.

B. Le succès du glyphosate

En 1996, MONSANTO développe des plantes transgéniques (les OGM) surnommées « Roundup ready » conçues pour résister au traitement par le glyphosate, permettant aux agriculteurs de pulvériser le produit sur l’intégralité de leurs champs sans avoir à cibler les mauvaises herbes. La vente du Roundup explose. Les OGM ont contribué finalement au succès du glyphosate.
Ensuite, en 2000, date à laquelle son brevet arrive à terme, la société MONSANTO perd ses droits d’exclusivité sur le glyphosate, ouvrant ainsi sa production et sa commercialisation à la concurrence, provoquant une baisse des prix et une augmentation nette de sa consommation.
On estime que son utilisation a été multipliée par 100 depuis 1974.

C. Controverses du glyphosate

Reconnaissance par la justice des pratiques et dangers liés au glyphosate
En 1996 et 2007, MONSANTO est condamné par les justices américaine et française pour publicités mensongère, pour son étiquetage « biodégradable » et « respecteux de l’environnement ».
En 2018, MONSANTO est condamné à verser à Dewayne Johnson, un jardinier diagnostiqué d’un cancer en phase terminale après avoir pulvérisé du Roundup puis du RangerPro, plus puissant, la somme de 290 millions de dollars de dommages et intérêts pour « malveillance ». Depuis, 4000 autres cas de cancer sont en attente de jugement. En 2019, MONSANTO est de nouveau condamné, en appel, face aux époux Pilliod, paysagistes, tous deux atteints d’un cancer attribué au Roundup.
En France, en 2018, MONSANTO est attaqué par Sabine GRATALOUP pour malformations de fœtus, alors enceinte lors de l’utilisation du désherbant. La justice française a reconnu le lien entre le produit et la malformation du bébé.
Il existe d’ailleurs, en France, depuis 2020, un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides.
En 2019, le tribunal administratif de Lyon interdit le RoundupPro 360 au nom du principe de précaution.

Les preuves scientifiques (liste non exhaustive)

Suite à une étude menée en 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) conclut que le glyphosate est un « possible perturbateur endocrien ».
En 2012, une étude publiée par le groupe de recherche du Professeur Gilles-Eric SERALINI a mis en évidence la toxicité du glyphosate. Les rats exposés au Roundup par l’eau qu’ils buvaient ont développé des tumeurs cancéreuses plus nombreuses et plus importantes.
En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe le glyphosate comme « cancérogène probable pour l’homme ». C’est à cet instant que l’herbicide fait son entrer dans le débat public et politique.
En 2016, une étude allemande, réalisée par test d’urines sur des eurodéputés, établissait l’importante concentration de glyphosate dans les urines avec un taux moyen 17 fois supérieur au seuil légal toléré.
En 2017, l’Agence Européenne des Produits Toxiques, saisie par le Commission Européenne suite au désaccord entre l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (l’EFSA) et le CIRC, conclura que le glyphosate n’est probablement pas cancérigène ou mutagène, en l’absence de preuves.

L’autorisation contestée de mise sur le marché européen

Pour être commercialisé au sein de l’Union Européenne, le glyphosate doit être autorisé.
En 2017, alors que l’Agence Européenne des Produits Toxiques (l’ECHA) vient de conclure à l’absence probable de lien entre le glyphosate et le cancer, l’Europe renouvelle l’autorisation du glyphosate pour 5 ans puis, en 2022, pour un an, expirant ainsi au 15 décembre 2023.

En 2023, la décision de la Commission Européenne d’autoriser la prolongation du glyphosate repose sur un rapport de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (l’EFSA), publié en juillet 2023, qui conclut que le glyphosate ne présente pas de « domaine critique de préoccupation».

Les effets du glyphosate sur la santé et la biodiversité ne sont donc toujours pas tranchés à ce jour à défaut de consensus scientifique.

Pourtant, en 2021, le Gouvernement allemand annonçait sa décision de retirer le glyphosate d’ici fin 2023. En France, en 2019, le président de la République indiquait «qu’interdire le glyphosate détruirait plusieurs filières économiques ».

II. Monsanto, première entreprise mondial en biotechnologies

A. Genèse

MONSANTO est fondée en 1901 par Jean Francis Queeny, dans le Missouri, et devient rapidement le premier fabriquant de saccharine. Elle se diversifie avec la fabrication de caféine et de vanilline en 1904 et par la fabrication du caoutchouc et du phosphates en 1929.
En 1935, MONSANTO rachète la Swann Chemical Company, fabricant du PCB, un colorant artificiel. En 1940, la société devient un producteur majeur de plastique, de polystyrène et de fibres synthétiques et devient, cette même année, partenaire de l’armée américaine dans le développement de la bombe atomique. L’année suivant, MONSANTO créera Chemstrand, spécialisé dans la fabrication des fibres acryliques.
Puis, dans les années 1960, la société va orienter ses activités dans la production de désherbant tel que l’agent orange, utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Viet-nam pour défolier les forêts, détruisant la santé de milliers de civils et l’environnement.

B. Spécialisation dans les biotechnologies

MONSANTO s’oriente dans les années 1980 vers le rachat intensif de sociétés dans le domaine des biotechnologies (nutrition, santé, environnement) tel que le rachat de la société Dekalb pour sa recherche sur le blé et le laboratoire GD Searle and Co, un fabricant d’aspartame.

En 1993, MONSANTO commercialise son premier produit issu des biotechnologies, le Posilac, une hormone de croissance transgénique injectée aux vaches pour augmenter leur lactation de 20%.

A partir de 1995, MONSANTO reçoit l’autorisation de commercialiser différentes plantes modifiées génétiquement (ex : la pomme de terre Newleaf, le coton bt, soja Roundup Ready). Elle rachète les parts majoritaires de Calgene, producteur de la tomate Flavr Savr et en 1997 elle rachète ASGROW, producteur majeur de semence de soja. En 2001, le soja génétiquement modifié sera cultivé pour la première fois en Afrique du Sud et en 2002, le coton Bt est planté en Inde.

En 2005 et 2007, elle rachète respectivement deux sociétés spécialisées en semences légumières (Seminis) et coton (Delta and Pine Land Company) puis, en 2011, elle rachète Beeologics, une société de recherche sur la santé des abeilles, impliquant la recherche sur les interférences ARN, présentant alors un fort potentiel contre les nuisibles.

En 2013, MONSANTO fait l’acquisition de de Climate Corporation, une société américaine de geomatique pour l’agriculture. En 2016, son offre d’achat de Syngenta est refusée.
Puis, en 2016, MOSANTO est racheté par la société chimique/pharmaceutique allemande BAYER.

C. Les « Monsanto Papers » : les preuves du lobbying

En 2017, la justice américaine déclassifie des documents internes à la société suite à plus de 3000 plaintes de personnes atteintes de lymphomes, il s’agit des « Monsanto Papers ».
Ces documents ont mis en évidence les liens et conflits d’intérêts entre MONSANTO, les autorités sanitaires, notamment l’Environnemental Protection Agency, et certains scientifiques, ainsi que la pression exercée contre certains d’entre eux. Des manœuvres sont notamment utilisées contre le CIRC allant jusqu’à se rapprocher de leurs investisseurs pour qu’ils cessent de les financer.
Ces parutions révèlent aussi les fraudes scientifiques réalisées par MONSANTO consistant à publier des articles sous couvert de scientifiques qui prétendent en être l’auteur, moyennant finance. Une campagne d’influence de l’opinion publique a également été menée et des agences, dont Reuters, sont engagées pour dénigrer le travail du CIRC. D’autres documents mettent également en avant un lien contractuel avec l’American Council on Science and Health.
En 2017, le Parlement européen s’appuie sur ces documents pour demander le non renouvellement du glyphosate, bien que sa demande n’aboutisse finalement pas.