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Corrigé bac français : Rimbaud, Cahier de Douai, de « Première soirée » à « Ma Bohème (Fantaisie) »

Voici une proposition de corrigé de l'un des sujets du bac de français 2024.

Fiche de lecture du Cahier de Douai de Rimbaud - bac de français

Crédit Photo : douaisis-tourisme.fr

Voici un corrigé du sujet de bac de français 2024, dans le cadre du Parcours : émancipations créatrices.

Le sujet :

Dans le poème « Sensation », Arthur Rimbaud écrit : « j'irai loin, bien loin ».

Selon vous, le Cahier de Douai répond-il à ce projet ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en prenant appui sur le Cahier de Douai, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.


« Et j’irai loin, bien loin » Rimbaud, les cahiers de Douai

Le chemin comme métaphore de l’itinérance poétique parcourt la tradition littéraire, au moins depuis le Moyen-Âge et le fameux vers liminaire de la Divine Comédie de Dante qui place le protagoniste « au milieu du chemin de notre vie ». Les cahiers de Douai d’Arthur Rimbaud n’échappent pas à la règle. Tenus à la manière de journaux intimes, avec mentions de lieux et de dates, ils constituent un véritable parcours poétique et initiatique, qui accompagne les vagabondages du jeune poète épris de liberté. « J’irai loin, bien loin », déclare-t-il ainsi dans le poème « Sensation ». L’émancipation ainsi promue est à certains égards biographique : en 1870, Rimbaud fugue de chez lui et s’essaie à la vie de bohème. Cette promesse, exprimée au futur, constitue aussi un programme offert au lecteur, celui d’une poésie itinérante et aventureuse. Au sens figuré, « aller loin » signifie aussi porter un engagement fort voire insolent. Dans quelle mesure l’ambition d’« aller loin » constitue-t-elle un programme poétique à l’œuvre dans les Cahiers de Douai ? Si le recueil se présente comme une invitation au voyage qui accompagne le vagabondage joyeux du poète, le parcours est également intellectuel et poétique.

I/ Fuguer et « aller loin »: la poésie comme voyage

Les Cahiers de Douai constituent une sorte de carnet de voyage poétique : ils procèdent d’une double fugue durant l’année 1870, à l’occasion desquelles Arthur Rimbaud se rend à Douai, chez son professeur de rhétorique, et lui confie les deux liasses de manuscrits qui composeront le recueil. À travers le thème de l’itinérance s’esquisse une figure de poète troubadour. C’est sur cette promesse de départ que s’ouvre le poème « Sensation », dont les premiers mots sont le futur du verbe « aller » : « j’irai dans les sentiers ». Cette forme verbale, répétée au vers 7, est cette fois dépouillée de son complément circonstanciel, au profit d’un adverbe plus vague, « loin » : la destination s’éclipse au profit du déplacement lui-même. La comparaison du poète avec un bohémien, au vers 7, mise en valeur par la diérèse, annonce le sonnet conclusif du recueil, « Ma bohème », qui semble en constituer la suite. La promesse de voyage laisse place au souvenir : au futur « j’irai » se substitue l’imparfait, « je m’en allais ». De même, le vent baignant la tête nue du poète au vers 4 de « Sensation » laisse place aux « gouttes / de rosée à [son] front » (vers 9-10). Dans une gradation saisissante, le poète n’est plus baptisé par une nature qui lui est extérieure, mais il produit lui-même de la rosée. La communion avec la nature devient fusion, si bien que le voyage aboutit à une intégration du poète à la nature qu’il parcourt.

II/ « Aller loin » dans l’engagement intellectuel : la poésie comme mode d’expression politique

Toutefois, le voyage de Rimbaud n’est pas seulement spatial, mais aussi intellectuel. Le recueil est marqué par un enthousiasme révolutionnaire qui « va loin » aussi bien dans sa radicalité politique que dans sa sublimation poétique. Le sonnet « Morts de quatre-vingt-douze et quatre-vingt-treize » rend hommage aux morts pour la République. La métaphore du sang abreuvant les vieux sillons, à la fin du deuxième quatrain, renvoie à l’hymne révolutionnaire La Marseillaise. « Le forgeron », qui dépeint « la foule épouvantable avec des bruits de houle / hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer », à travers la comparaison homérique avec des flots impétueux, revêt les héros de 1789 d’une grandeur épique. Rimbaud vitupère aussi sur les maux de son époque, à commencer par la guerre contre la Prusse. « Le mal » dénonce la guerre et ses déchaînements de violence ; le « Dormeur du Val » offre le portrait émouvant d’un soldat décédé, probablement victime de la bataille de Sedan. Enfin, dans « Rages de Césars », l’Empereur est réduit à une figure grise et fade revêtue non de la pourpre impériale, mais du costume bourgeois. En réactivant l’imagerie révolutionnaire et en s’en prenant ouvertement à l’Empereur déchu, Rimbaud fait de la poésie une arme politique qui « va loin ».

III/ « Aller loin » dans l’innovation poétique

Enfin, Rimbaud « va loin » dans l’émancipation des règles poétiques. Il se présente dans « Ma Bohème » comme un « petit Poucet rêveur » qui sème ses rimes au petit bonheur. Ce ton naïf voire enfantin éclate dans les termes ludiques de l’« Éclatante victoire de Sarrebrück » : dada, papa, pioupiou. Les sonnets « Au cabaret » et « La maline », dominés par la bonne chère, s’opposent à la thématique amoureuse habituellement privilégiée dans le sonnet. Dans une subversion des figures mythiques, Rimbaud fait sortir sa « Vénus Anadyomène » non pas des eaux, mais de sa baignoire. Cette libération poétique va jusqu’à toucher la métrique elle-même. L’atteste cette exclamation iconoclaste dans « Soleil et chair » : « Car l’homme a fini, l’homme a joué tous les rôles / Au grand jour, fatigué de briser des idoles ». C’est l’idole de l’alexandrin classique qui se trouve brisée, par la virgule placée astucieusement après la cinquième syllabe, rendant impossible la césure classique. Le vers 6 de « Rages de Césars » est aussi un alexandrin fracturé : « Il s’était dit je vais souffler la liberté ». La liberté ainsi proclamée est finalement aussi celle du vers, affranchi de la césure classique.

Conclusion

« J’irai loin, bien loin » : Les Cahiers de Douai respectent cette promesse en proposant un triple voyage : bucolique, politique et poétique. Nous accompagnons les vagabondages du poète en fugue, autant que la formation de sa vision du monde et de la poésie. Cependant, ce recueil de jeunesse ne constitue que la première étape du parcours…


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