Le sujet
Parcours : dans l'atelier du poète
Selon un critique, La rage de l'expression donne à voir « l'écriture en plein travail et se regardant travailler ». Cette citation éclaire-t-elle votre lecture de l'oeuvre ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en prenant appui sur La rage de l'expression, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.
Introduction
En 1952, Francis Ponge publie la Rage de l’Expression, un recueil de 7 poèmes un peu particulier. En effet, l’auteur nous fait entrer dans les coulisses de chacun de ses travaux à la manière d’un peintre ou d’un scientifique. D’ailleurs, un critique déclare que ce recueil donne à voir “l’écriture en plein travail et se regardant travailler”. Dans cet article, nous allons explorer ses travaux approfondis sur les finalités de la poésie et sur les jeux de langage. Entretemps, nous verrons comment Francis Ponge privilégie le procédé scientifique au procédé esthétique pour son travail poétique.
I) Méditation sur les finalités de la poésie
Francis Ponge se présente comme étant l'opposé du poète traditionnel. En effet, si Jean François Marmontel cite que “l’homme de génie s’élève et s’abaisse tour à tour, selon que l’inspiration l’anime ou l’abandonne”, l’auteur ne voit aucun lien entre la poésie et l'inspiration. Au contraire, Francis Ponge présente son travail comme une recherche scientifique.
Alors, que Victor Hugo et Alphonse de Lamar line se fient à leurs contemplations pour écrire, l’auteur souhaite capter l’essence des êtres et des choses avec des termes justes. Doutant de la fiabilité des mots, il va même employer un dictionnaire appelé le littié. Francis Ponge montre son besoin de rigueur dans ses notes et ses brouillons, mais aussi dans cette citation présente dans le Mimosa ; “Oh qu’il est difficile de s’approcher de la caractéristique des choses !”
II) Un projet scientifique plus qu’un recueil de poème
Dans la rage de l’expression, Francis Ponge nous fait découvrir ses prises de notes et ses réflexions brutes qui l’ont amené à générer ses sept poèmes (Berges de Loire, la guêpe, notes prises pour un oiseau, l’oreiller, le Mimosa, le carnet du bois de pin et la Mounine). L’auteur, contrairement à tous les poètes, nous livre ses expériences et ses échecs. Il n’hésite pas à faire sa propre autocritique avec l’analyse de ses écrits. Par exemple, dans Notes prises pour un oiseau, il déclare : “Il vaut mieux en rester avec ces notes-là, qui me dégoûtent moins qu’un opus raté”. En plus de l’utilisation d’encyclopédies et de dictionnaires, Francis Ponge emploie de nombreux procédés savants et s’approprie même les mathématiques afin de combiner l’ordre vers chaque strophe. Ce phénomène est d’ailleurs visible dans le carnet du bois de pin.
III) Etude approfondie au four du langage
Quand on lit la Rage de l’Expression, on se rend compte que Francis Ponge tente de saisir l’essence des êtres et des choses sans fioritures. Le soin qu’il apporte à la préparation du poème rend l'œuvre finale riche et belle grâce à la flexibilité de la langue.
Toutefois, le poète mixe son approche scientifique avec des traits d’humour grâce aux calembours. Ces jeux de mots basé sur des sons qui se ressemblent avec des définitions différentes montre un auteur joueur.
En effet, dans le “Mimosa”, Francis Ponge associe le calembour “pantomime / mimosa” au calembour “fervent / enfer / vendre”.
Enfin, le poète possède une vision objective des choses quitte à en chercher la définition dans le dictionnaire. Selon lui, la poésie traditionnelle est trompeuse donc il est important de mettre des mots sur le langage, même si l’exercice est difficile comme dans “les Oeillets”.
En conclusion, cette œuvre confirme bien la citation du critique évoquée dans le sujet. Francis Ponge désacralise le travail du poète en publiant avec ses poèmes tout le travail qu’il a fait en amont. Chaque objet mis en avant n’est pas magnifié, mais exploré dans chacune de ses particules. Un peu comme un photographe qui fait des clichés sous tous les angles.
De plus, l’emploi de la première personne du singulier humanise le recueil de poèmes. L’objectif est de nous faire entrer dans la tête de l’auteur pendant qu’il travaille et non d’exercer une quelconque supériorité. On se sent dans la peau d’un poète grâce à cette œuvre.
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